POINT DE VUE : A PROPOS D'UNE VISION DU MONDE, OU UN JARDIN SANS JARDINIER Joël Bellassen
«U faut, disait Tempereur Cang-hi, en voyant les plans de nos maisons européennes, A faut que l'Europe soit un pays bien petit et bien misérable, puisqu'il n'y a pas assez de terrain pour étendre les vUles, et qu'on est obUgé d'y habiter en l'air.» Frère Attiret, peintre au service de l'Empereur de la Chine
«Et de ce couple modulé de la présence et de l'absence, qu'aussi bien suffit à constituer la trace sur le sable du trait simple et du trait rompu des koua mantiques de la Chine, naît l'univers de sens d'une langue où l'univers des choses viendra à se ranger.» Jacques Lacan, Écrits
Très tôt a pris place au cœur de la culture chinoise une conception de l'univers — naturel, social, moral, poUtique — comme Ordre Unifiant et unique, dynamisé en son sein par une régulation et des interactions dialectiques. L'empreinte de cette conception se révèle bien au-delà du domaine strictement théorique : les textes de médecine les plus anciens font fortement référence à une vision unitariste du corps humain (et une vision partielle des choses est encore traditionnellement désignée par l'expression «se soigner la tête quand on a mal à la tête et se soigner les pieds quand on a mal aux pieds» («tou tong yi tou, jiao tong yi jiao») ;
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