Couvrez ce saint que je ne saurais voir 1 . L’implicite religieux dans quelques farces médiévales
par Florence B OUCHET
Ce n’est un secret pour personne que les farces, principalement produites entre 1450 et 1550, mettant en scène des personnages roublards et des situations plus ou moins malicieuses ou scabreuses imaginées à partir de la vie quotidienne, visent essentiellement à faire rire. Pour autant, montrent-elles simplement un monde amoral où la religion n’a pas voix au chapitre? Le comique qui s’y déploie, souvent jugé grossier, les définit-il obligatoirement comme un genre explicite, voire trop explicite? Les certitudes trop hâtives encourent l’erreur; tels sont donc les a priori que j’aimerais réexaminer quelque peu. Depuis que la fille de Dieu en personne, Raison, dans le Roman de la Rose de Jean de Meung, a exposé que les " couilles", en vertu de l’arbitraire du signe, peuvent à bon droit être nommées à la place des " reliques"
1. Derrière la boutade allusive, ce titre reprend un jeu de mots effectif du XV e siècle, époque où la littérature se plaît à démythifier la tradition en jouant de l’ambiguïté et de l’ironie. Ainsi peut-on lire dans la 17 e des Cent Nouvelles nouvelles : «La devocion que monseigneur avoit aux sains de sa meschine de jour en jour croissoit » (éd. F. P. Sweetser, Genève, Droz, 2e éd., 1996, p. 116). Et l’on verra que plusieurs de nos personnages de farces sont impliqués dans un scénario de sainteté parodique.
