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Grammaire analogique, grammaire du signifiant

[article]

Année 1986 82 pp. 41-51
Fait partie d'un numéro thématique : Le signifiant
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Maurice MOLHO Paris IV

Grammaire analogique, grammaire du signifiant

La grammaire generative — qu'il n'est plus de bon ton d'évoquer mais qui nous a tous séduits il y a une quinzaine d'années — a été la dernière tentative de rationalisation du langage. J'entends par là qu'elle s'est efforcée d'inscrire le langage dans un appareil rigoureusement cohérent et « collant » au réel, fût-ce au prix de bricolages et de distorsions que manifestement le langage refuse, mais que le linguiste, passant outre au refus, lui impose au nom des exigences de la raison. Ainsi devant une phrase comme :

Pierre se lave

on restituera une structure profonde : Pierre lave Pierre

et on introduira une première règle par laquelle le nom du SV laisse place à un pronom (soi ou se), puis une règle deuxième d'interversion qui fait passer devant V le pronom substitut.

Compte tenu du « réel » — soit : d'une expérience réelle qu'il s'agit de conceptualiser et de dire — , cette procédure est inattaquable. Il n'en va pas de même si l'on regarde le phénomène dans la perspective du langage existant (ici la langue française). Il se trouve, en effet, que le langage — dans sa réalité propre de langage — se refuse à produire aucune des structures profondes que le grammairien lui suppose : * Pierre lave Pierre n'a pas d'existence, et il serait même légitime de dire que le langage français ne construit Pierre se lave qu'à seule fin d'éviter au sujet (pour quelles raisons ?) d'avoir à se réitérer explicitement en objet, comme si le sentiment dominait, en tout état de cause, que Pierre est ici le même, et que le même ne saurait être justiciable de la même construction que l'Autre.

Mon objet n'est pas la grammaire generative. Je ne l'ai évoquée ici que parce qu'il me paraît que telle démarche ou procédure fondamentale de la grammaire « traditionnelle » ressemble étrangement aux « truquages » de la grammaire generative.

Sans m 'attarder aux « sous-entendus » de la grammaire scolaire (un « sous- entendu » est une manière de la structure profonde), j'en viens à l'essentiel, qui est le découpage aristotélicien du langage en « parties du discours », que Guillaume recommandait d'appeler « parties de langue », réservant « parties du discours » à la désignation et description des emplois qui en sont faits. Le défilé (= le paradigme) des parties de langue se présente — dit Guillaume — comme un système triparti (il dit parfois un drame en trois actes) comprenant successivement :

— les parties predicatives (celles qui ont sens, et telles que les dire de quelque chose fait sens) : nom substantif, nom adjectif, verbe, adverbe,

— les parties a-prédicatives : préposition, conjonction,

— enfin les parties trans-prédicatives : la série des pronoms et, dernier des pronoms, l'article.

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