JULIA KRISTEVA C.N.B.S.
LES ÉPISTÉMOLOGIES DE LA LINGUISTIQUE
« La tâche de la linguistique sera : a)... b)... c) de se délimiter et de se définir elle-même. »
F. DE SAUSSURE,
Cours de linguistique générale (Paris, Payot, 1960, 20). '>
« Le ■ grand changement survenu en linguistique tient précisément en ceci < : on a reconnu . que le langage devait être décrit comme une structure formelle, mais que cette description exigeait au préa-, lable l'établissement de procédures et de critères adéquats, et qu'en somme la réalité de l'objet n'était pas separable de la méthode propre à le définir. >
E. BENVENISTE,
Problèmes de linguistique générale (Paris, Gallimard, 1966, 119).
Si le développement: actuel de la grammaire generative, d'une part, et l'exportation de la procédure linguistique dans les sciences humaines, d'autre part, posent l'urgence et la nécessité d'une épistémologie de la linguistique, celle-ci — dans les voies rares et divergentes où elle se manifeste — soulève deux questions qu'il nous semble important de marquer en introduisant les travaux qui suivent : (1) l'enjeu de l'épistémologie; (2) le statut de la linguistique.
I. — L'enjeu de l'épistémologie.
(1) La tradition française . (Comte, Bachelard, Canguilhem, etc.) ne semble pas distinguer nettement entre philosophie de la science, épistémologie et méthodologie. Tel est également le cas de certains auteurs anglo- saxons modernes (Pap, 1962; Kaplan, 1964), alors que d'autres tracent différentes lignes de démarcations entre ces domaines qui, à la suite de ces divergences, se recouvrent et s'entremêlent.
La méthodologie est généralement comprise comme étude des principes techniques et méthodes » de la recherche dans * une discipline concrète (Kaplan, 1964 : 23), tandis que la philosophie de la science qui l'englobe a pour but de proposer « un résultat clair et général de l'explication scienti-