L'USAGE DE LA COMPILATION

DANS LES CHRONIQUES DE ROBERT D'AUXERRE, AUBRI DE TROIS-FONTAINES ET JEAN DE SAINT-VICTOR

À partir du dernier tiers du xne siècle et jusqu'au début du XIVe siècle, le genre de la chronique universelle s'épanouit dans le royaume de France. Parmi la quinzaine de ces chroniques, je retiendrai trois d'entre elles, celle de Robert d'Auxerre, celle d'Aubri de Trois-Fontaines et celle de Jean de Saint-Victor, parce qu'elles font chacune un usage original de la technique de la compilation, en s'appuyant pour une large part sur les mêmes sources I.

Trois témoins d'un genre en plein épanouissement

Comme nous l'apprend un distique dans la marge du manuscrit de sa chronique et son éloge funèbre, Robert d'Auxerre est entré en religion en 1 172, à seize ans à Saint-Marien d'Auxerre, un monastère prémontré fondé vers 1139-1140. À la demande de son abbé, Milon de Traînel (1 156-1203), il a consacré une bonne vingtaine d'années à la rédaction d'une chronique dont nous avons le manuscrit original, aujourd'hui à la bibliothèque d'Auxerre. L. Delisle a établi que ce manuscrit se compose de plusieurs parties : une partie primitive, en quinze cahiers, qui contient le récit de l'histoire universelle depuis la Création jusqu'à l'année 1 181 ; une partie introductive et des textes complémentaires, rajoutés ensuite en tête du récit ; enfin, une continuation rédigée en plusieurs étapes et qui mène le texte jusqu'en 121 1. Dans cette dernière phase, l'auteur a également corrigé et complété la partie primitive 2.