LE SECOND EMPIRE DRAPIER* DES NEUFLIZE A SEDAN (1800-1830)

par Gérard GAYOT

L'historien peut-il réouvrir l'ancien dossier de la réussite industrielle des Ardennes au moment où cette région connaît une catastrophe économique et sociale comparable à celle qu'elle dut subir, il y a plus de trois siècles, au cours de la Guerre de 30 ans et de la Fronde (1) ? La question n'est pas incongrue si l'on songe aux accusations lancées, ici ou là, contre l'impudence des zélateurs de l'archéologie et de l'histoire industrielle qui n'hésitent pas à enterrer deux fois les mêmes gens dans les cimetières économiques que la crise de longue durée laisse derrière elle. Le regain d'intérêt pour la muséographie et l'archive industrielle n'est pas exempt, il est vrai, d'opportunisme ni de cynisme : manipulées avec beaucoup d'audace et de publicité, elles peuvent être d'un bon secours pour aider à la résignation, à l'amnésie et à la démobilisation des populations sinistrées. L'historien qui ignore ce risque de récupération est complice ou irresponsable, à tout le moins oublieux des mises en garde adressées par Michel de Certeau — « C'est au moment où une culture n'a plus les moye'ns de se défendre que l'ethnologie et l'archéologie apparaissent » (2) — et par Michel Foucault — « Si on tient la mémoire des gens, on tient leur dynamisme » (3). Il est donc entendu que l'historien doit être prudent mais il est tout aussi entendu qu'il ne doit pas renoncer pour autant à exercer son métier qui consiste avant tout à combattre les pertes de mémoire, à la faire ressurgir, à l'entretenir et non pas à la tenir. Sauver la mémoire de l'industrie est l'une des façons de refuser la désertification d'une région et de lui conserver son identité.