L’électricité en France : marchés, réseaux et pouvoirs publics (1880-1940)

Pierre Lanthier

Depuis ses tout débuts, l’industrie électrique partage son déve¬ loppement entre l’entreprise privée et les institutions publiques. En règle générale, la première jetait les bases de l’électrification pour ensuite laisser petit à petit la place aux secondes. Le secteur privé, avec sa capacité de mobiliser rapidement des capitaux et d’intéres¬ ser d’importants clients à l’électricité, assurait un démarrage plus rapide et plus soutenu que le secteur public. Mais par la suite, l’extension et la complexification des moyens de production et de distribution, requérant un dispatching toujours plus centralisé, donnaient l’avantage au public sur le privé. Telle est, dans ses grands traits, l’image la plus courante de l’évolution globale de cette industrie.

D’un pays à l’autre, d’une région à l’autre, de nombreuses nuances viennent complexifier ce schéma. Les sources énergétiques, leur localisation, la nature et l’ampleur de la consommation, les choix techniques, autant de facteurs qui ont orienté l’industrie dans un sens plutôt qu’un autre. Mais là où les différences se font le plus sentir, c’est dans l’intervention des institutions publiques. En certains endroits, elle fut plus marquée que la moyenne : le besoin de corriger de fortes disparités régionales, ou encore de mieux connecter les régions productrices aux régions consommatrices, autorisait un Etat à se substituer à l’entreprise privée. L’Ontario (Canada), par exemple, étatisa dès 1906 la distribution d’électricité.

La France n’aurait-elle pas pu suivre cette voie plus tôt ? La consommation d’électricité dans ce pays se trouvait en-deçà des

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