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Norbert LANDON et Hervé PIEGAY,

L'incision de deux affluents subméditerranéens du Rhône : la Drôme et l'Ardèche

Depuis le XIXe siècle, l'Homme n'a jamais cessé d'accroître sa lutte contre les cours d'eau. Les crues et l'érosion des espaces rivulaires convoités l'ont conduit à progressivement les stabiliser. L'endiguement, la rétention des flux solides et liquides dans les têtes de bassin, les prélèvement de matériaux ont profondément modifié ces organismes (Bravard, 1991), les usages prévalant sur les équilibres naturels.

Or, la rivière se conçoit comme un système physique fonctionnel, évolutif, et ouvert dans lequel transitent des flux (Amoros et al., 1988). Le dessin en plan du cours d'eau (style fluvial), et la géométrie de son lit sont des paramètres ajustés à ces flux (Schumm, 1968). Chaque élément de ce système est dépendant des autres. Aussi, une modification significative des flux provoque-t-elle un rééquilibrage des caractères géométriques de la rivière (largeur, profil en long..), eux-mêmes interdépendants (Schumm; 1977). Dans certains cas extrêmes une véritable métamorphose fluviale va s'opérer de façon irrémédiable.

L'enfoncement des lits fluviaux observé aujourd'hui sur de nombreux cours d'eau du centre-est de la France tel que l'Ain (Bravard et al., 1991), l'Arve (Peiry, 1989; Blanc et al., 1989) ou l'Herbasse (Landon et al., 1993) est l'expression même de cette métamorphose. Qu'en est-il des affluents méditerranéens du Rhône et notamment de l'Ardèche et de la Drôme (fig.1) dont les caractéristiques hydroclimatiques (crues) et les usages actuels (tourisme ou irrigation) et passés diffèrent sensiblement des hydrosystèmes plus septentrionaux.

De rang intermédiaire, situées sur le piémont et soumises à des crues violentes, ces deux rivières à fond graveleux et profondément anthropisées, présentent également des différences concernant l'hydrologie (fig. 2) et la géologie du bassin versant (Tab.1). La moyenne vallée de L'Ardèche située dans le Bas-Vivarais s'étend sur 50 km d'Aubenas au Pont d'Arc. La rivière draîne une dépression périphérique orientée NNE-SSO marquant le contact entre les Cévennes à l'ouest et le plateau calcaire des Gras à l'est. La plaine alluviale discontinue est marquée par une succession de défilés calcaires (Vogué, Balazuc, Ruoms). Affluent de rive droite du Rhône, l'Ardèche, cours d'eau modeste, est marquée par des crues d'automne d'une violence exceptionnelle due à l'effet barrière joué par les Cévennes vis-à-vis des remontées d'air méditerranéen humide.

La basse et la moyenne vallée de la Drôme ont également un cours d'une longueur de 50 km de

long de Pontaix à la confluence avec le Rhône. Coulant d'abord du sud vers le nord, elle draine le massif du Diois orienté SE-NO, zone de transition entre le Vercors au nord et les Baronnies au sud. La rivière présente un caractère de torrent méditerranéen lorsqu'elle débouche à Crest dans sa basse vallée. Elle s'écoule ensuite vers l'ouest jusqu'à Livron et sa confluence avec le Rhône. En raison du relief et de la latitude septentrionale, ce cours d'eau présente un régime préalpin (Pardé, 1925). Les crues les plus violentes interviennent au printemps et à l'automne.

La modification des profils en long de ces rivières par incision du lit au cours des dernières décennies est le phénomène majeur observé. L'évolution naturelle et l'altération anthropique de ces systèmes fluviaux expliquent cette modification, mais reste à déterminer dans quelle mesure ils interviennent.

Mise en évidence de l'incision

Sources et choix méthodologiques

Plusieurs méthodes diachroniques permettent d'étudier les phénomènes d'incision. Leur utilisation dépend des sources disponibles. Sur l'Ardèche, trois profils de la ligne d'eau d'étiage ont été levés en 1922 (Grandes Forces Hydrauliques), en 1984 (CEREC) et partiellement en 1991 (du Pont d'Aubenas au Hameau de Ville; CEREC). Sur la Drôme on dispose de plusieurs profils de lignes d'eau; celui des Grandes Forces Hydrauliques de 1928, ceux de 1971 et 1975 du Cabinet Ruby, celui de 1986 de la SOGREAH et enfin ceux de 1978 et 1979 non utilisés ici.

L'analyse diachronique spatialisée du profil est possible car la rivière sinue peu, l'axe de la bande active est stable et les profils concernent la seule ligne d'eau d'étiage. Les valeurs synthétiques d'enfoncement (écart altitudinal) sont calculées à partir d'un graphique sur lequel sont représentées les lignes d'eau. La cartographie de ces valeurs, représentées tous les 500 m, permet de quantifier et de spatialiser le phénomène (fig.3).

Description du phénomène

Pour 99 points observés, l'incision moyenne est de l'ordre de 0,43 m pour l'Ardèche et de 1,68 m pour la Drôme. Les deux rivières ne présentent donc pas le même degré d'incision.