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L'ombre mythique de Perceval dans le Conte du Graal

[article]

Année 1973 16-63 pp. 191-198
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Daniel POIRION

L'ombre mythique de Perceval dans le Conte du Graal

Dans sa leçon inaugurale donnée au Collège de France, et publiée en i960, M. Lévi-Strauss évoque l'aventure de Perceval pour illustrer la méthode de l'anthropologie sociale telle qu'il la conçoit. Il rapproche en effet l'histoire d'CEdipe de récits apparemment très différents, comme une légende iroquoise, dont le héros finit par coucher avec sa sœur, et l'histoire de Perceval, à laquelle il fait allusion sans se référer à un texte particulier. Pour lui il y a là un schéma commun, qui associe une énigme vivante, personnifiée par le héros, à la découverte d'un inceste. Sous des récits différents, voire inverses, il faut reconnaître une même relation logique, une même structure mythique. Dans quelle mesure une telle exploration de la pensée mythique peut-elle servir à l'interprétation d'une littérature dont on sait qu'elle a quelque rapport avec des légendes bretonnes, elles-mêmes semblant conserver le souvenir de certains mythes ?

La démarche de l'anthropologue ne peut être suivie par le « philologue » (au sens large et noble du mot) . D'un côté on cherche des analogies abstraites, de l'autre on interprète la diversité concrète. Mais dans la mesure où le formalisme de l'anthropologie culturelle et sociale prépare une interprétation sémantique des mythes (visant leur contenu, et non plus seulement leur structure) , on peut espérer concilier la spéculation sur leur sens profond avec les exigences de l'objectivité littéraire, dont M. Frappier rappelait récemment les principes : « En fin de compte l'interprète doit être aux ordres du texte, et non le texte aux ordres de l'interprète et de ses idées préconçues w1.

Il faut d'abord restreindre l'emploi du mot mythe qui connaît aujourd'hui une certaine inflation. Désignons par là le type de récits dont la fonction est d'expliquer les origines des grands faits naturels et culturels, l'instauration d'un ordre, l'établissement d'une institution, l'avènement d'une loi, la fondation d'une société. Cette fonction explicative et fondatrice du mythe met en jeu simultanément plusieurs codes qui se trouvent pris dans des séries homologues : les allusions à l'alimentation et au sexe, au cosmos et à la société obéissent à une même logique qu'il faut déchiffrer. Mais il ne faut pas confondre chacun de ces thèmes symboliques avec le mythe lui-même. En soi un chaudron, un plat, une lance, une épée ne signifient rien. C'est leur articulation dans l'ensemble d'un récit qui peut prendre un sens mythique. D'où la nécessité de distinguer, parmi les éléments légendaires d'un roman, ce qui est vestige fabuleux, écho fantaisiste, ornement féerique, et ce qui reprend, dans la nouvelle construction, cette tendance à dire quelque chose, plusieurs choses à la fois, où se reconnaît le discours métaphorique et polysémique du mythe, au milieu des thèmes et des images légendaires.

Le plus délicat à saisir, c'est le passage du niveau conscient de la lecture au niveau inconscient de la suggestion mythique. Le signal autorisant un tel passage n'est pas clairement donné, et l'on risque de retomber dans le défaut souvent reproché aux exégèses allégorisantes. Mais il est vrai que la littérature, comme le rêve, parle par images et par jeux de mots, substituant à la logique du discours des rapports de ressemblance et de contiguïté. Ainsi entre la dévastation d'un pays et la

r. J. Frappier, Le Graal et ses feux divergents, « Modem Philology », XXIV, 1971, p. 374-440. Nos citations du Conte du Graal seront empruntées à l'édition A. Hilka, Der Percevalrotnan, Halle, 1935.

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