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JEAN DE MEUN ET L'ALLÉGORIE
Communication de M. Marc-René JUNG {Zurich) au XXVIIe Congrès de l'Association, le 28 juillet 1975.
Dans les jugements sur les deux auteurs du Roman de la Rose, Guillaume de Lorris et Jean de Meun, on remarque une tendance très nette à préférer le premier en tant que poète allégorique. Cette préférence s'explique, me paraît-il, surtout par deux attitudes, dont la première est fondée sur des conceptions élaborées au xvine siècle, conceptions selon lesquelles l'allégorie serait traduisible, donc rationnelle et froide. On est alors heureux de constater que l'allégorie du Roman de la Rose de Guillaume de Lorris, offrant de fortes résistances à une analyse rationnelle (1), n'est guère traduisible sans « restes », ces « restes » étant ressentis comme l'essence d'une allégorie réussie, voire de la poésie tout court. La seconde attitude est celle du lecteur de certains romans du xixe siècle, où l'intérêt porte principalement sur la psychologie. On admire donc chez Guillaume de Lorris ce qu'on appelle l'analyse psychologique (2). Ainsi des lecteurs, pourtant très avertis, peuvent-
(1) Sur l'aspect lexicologique, voir Jean Batany, « Paradigmes lexicaux et structures littéraires au Moyen Age », RHLF 70 (1970), 819-835. Le schéma actantiel proposé dans cette étude (p. 826) est très intéressant. Il reprend au fond la vieille répartition en allégories internes et allégories externes, un peu modifiée, il ebt vrai, et distribuée sur les deux colonnes des adjuvants et des opposants. Ce qui n'est pas figuré par ce schéma, c'est, d'une part, l'évolution du personnage de Danger au cours de la narration, et, d'autre part, que Danger représente à la fois une attitude générale et une attitude particulière et que ces deux attitudes se situent sur l'axe temporel. Je me demande aussi ce que peut bien être une « opposition oblique ». (2) Le dernier dans la série : René Louis, Le Roman de la Rose. Essai d'interprétation de l'allêgorisme erotique, Pans, 1974 — On trouvera une présentation fort bien équilibrée, mais parfois aussi hardie, des deux parties du Roman, dans le livre de Daniel Poirion, Le Roman de la Rose, Paris, 1973.
