LE DIOLKOS DE L'ISTHME À CORINTHE SON TRACÉ, SON FONCTIONNEMENT *
I. Sources écrites et historiographie du diolkos
Avant que le diolkos de l'Isthme ne devienne un problème archéologique, objet de notre étude, depuis les découvertes de N. Verdélis en 1956, la seule connaissance assurée de cette voie empierrée, qui traverse l'Isthme en son point le plus resserré et permettait occasionnellement le transfert de bateaux du golfe Saronique au golfe de Corinthe (fîg. 1), reposait sur des textes, peu nombreux et pas toujours explicites1. Le terme même de diolkos est rarement utilisé2 et ne semble être entré dans l'usage que progressivement pour devenir finalement un topos 3 sans rapport direct avec le voiturage diisthmique 4. Il convient donc de tenir compte aussi, pour apprécier l'opération, des termes, expressions et descriptions relatant celle-ci, sans utiliser le terme diolkos, de Thucydide à Phrantzes. L'énumération et l'exégèse en ont été faites à de multiples reprises5, mais l'interprétation historique a donné lieu, récemment encore, à des divergences assez nettes entre tenants d'une activité limitée, voire exceptionnelle et de nature militaire, au plus tôt dans le cadre de la guerre du Péloponnèse, et les partisans d'une utilisation constante, à vocation
* Ces recherches ont pu être menées à bien grâce à l'aimable autorisation de l'Éphorie des Antiquités de Nauplie et à l'accueil amical que nous avons reçu lors de chacun de nos séjours en Grèce à l'École française d'Athènes, à la Corinth Excavation et à l'École militaire de Loutraki. Nos remerciements vont tout spécialement à Nancy Bookidis, Olivier Picard, Philippe Bruneau, Jean- Yves Empereur, ainsi qu'à Evelyne et Yannis Loukas. Les photographies, dessins et relevés sont de l'auteur. (1) Thucydide, III 15, 1 ; VIII 7 ; VIII 8, 3-4 ; Aristophane, Thesmophories 647-648 et scholie; Polybe, IV 19, 7-9 [318]; V 101, 4 [484]; frag. 162 (éd. M. Buettner-Wolst) ; Strabon, VIII 2, 1 [C. 335]; VIII 6, 22 [C. 380]; VIII 6, 4 [C. 369]; Pline, H.N. IV 8-10; XVIII 18; Dion Cassius, LI 5; Hésychius, s.v. «Δίολκος» (éd. Schmidt, I, p. 516, 80); Suidas, II 92, s.v. «Διισθμήσαντα»; « Διισθμονίσαι » ; G. Phrantzes, I 33. Cf. H. N. Fow- ler et R. Stillwell, Corinth I 1 (1932), p. 49-51, spéc. p. 49, n. 1 et p. 50, n. 1. (2) Δίολκος chez Strabon, loc. cit. ; Hésychius, toc. cit. ; on peut y associer la terminologie liée à l'action de transfert : διέλκω chez Aristophane, loc. cit. et scholie ; διισθμίζω, ύπερισθμίζω chez Polybe, loc. cit. ; ύπερνεωλκέω chez Strabon, loc. cit. (3) Cf. Hésychius, loc. cit. (4) Ptolémée, IV 5, 5. (5) H. N. Fowler et R. Stillwell, loc. cit. (n. 1).
