Numéro spécial Morphologie

Les différents types de montagnes

I. — Montagnes jeunes et montagnes vieilles. Généralités

L'observation des contrastes multiples qui opposent les Alpes d'une part, et les massifs hercyniens d'autre part, a imposé la première distinction classique : celle des montagnes jeunes et des montagnes vieilles.

Contraste topographique d'abord. D'un côté, des lignes de faîte régulières, parfois de véritables plateaux, des vallées étroites aérant faiblement le volume montagneux, et dont les seules pentes raides rocheuses se trouvent à la base des versants. Là où la structure est hétérogène, des crêtes de roches dures, au sommet aplani comme une chaussée, alternent avec des sillons déblayés en roches tendres. Tels sont les aspects bien connus des « moyennes montagnes ». Au contraire, le relief que l'on peut appeler « de haute montagne » est caractérisé par des lignes de crêtes inégales, aiguisées par le recoupement de grands versants rocheux dont la pente augmente fréquemment vers le haut et qui forment le flanc de larges vallées trouant la masse montagneuse. Là où la structure est hétérogène, des sierras de roches dures aux faîtes zigzaguants, sont ornées de crêtes perpendiculaires en roches tendres, aux flancs presque aussi raides, si bien que les formes structurales sont moins nettes que dans les volumes montagneux plus modestes de structure analogue.

Au point de vue géologique, dans le premier cas, un matériel rigide n'ayant pas subi de plissement depuis le Carbonifère, donc un matériel vieux. Dans le second cas, des plis d'âge récent, dont la formation embrasse l'ensemble du Tertiaire, avec un paroxysme à l'Oligocène supérieur.

Un examen plus attentif a montré que les mouvements tangentiels tertiaires alpins avaient été suivis de mouvements verticaux encore plus récents, post-pliocènes, qui avaient entretenu sinon exagéré l'activité érosive. Dans le monde hercynien, au contraire, les mouvements verticaux post-pontiens se sont manifestés de façon si peu évidente que leur existence a pu être niée sans invraisemblance par H. Baulig.

D'après ces données géologiques, on pouvait alors prévoir une histoire cyclique différente. L'âge récent des plissements alpins, leur continuité, normale dans un matériel encore souple, les mouvements à grand rayon de courbure qui les accompagnent et leur succèdent, permettent de concevoir une évolution « monocyclique », sans pause notable, et que ce cycle actuel soit encore en pleine jeunesse. Au contraire, le matériel hercynien a été arasé intégralement au moins une fois dans son histoire au Trias, et la ligne d'horizon, au moins, a gardé trace de cet épisode décisif. Il y a eu, depuis, d'autres épisodes d'aplanissement (période éogène), favorisés par des périodes de stabilité plus longues que les périodes de détente tectonique (ce qui est dû à la rigidité du matériel) et alternant avec de brusques crises de gauchissement et de dislocations. Encore des mouvements sont-ils peut-être eux-mêmes assez anciens (prépontiens ?) et l'essentiel des formes de rajeunissement serait alors imputable à l'abaissement post-pliocène de la mer, la montagne restant passive.

Mais si ces notions scolaires fournissent en première analyse une base d'explications utile quand on aborde l'étude d'un pays comme la France, elles ne sauraient être appliquées sans réserves à la classification des montagnes de l'ensemble du globe. Les cinq caractères suivants : aspect de la topographie, âge des plissements, degré de rigidité du matériel, âge des mouvements à grand rayon de courbure et évolution cyclique, bien que solidaires, ne varient pas en effet de façon parallèle.

Des raisonnements simples et quelques exemples suffisent à le montrer. On sait qu'il n'y pas toujours de rapports directs entre l'importance du déplacement horizontal et le soulèvement vertical, comme le montre l'exemple d'une large portion des nappes de charriage bétiques dont le relief est assez médiocre. Inversement, on voit aisément que là seule condition nécessaire à l'établissement d'une topographie « alpine » est qu'un volume montagneux suffisant subisse un mouvement d'exhaussement violent et récent, ceci sur une largeur assez faible pour que l'érosion réduise tous les interfluves à l'état de crêtes avant que la pente moyenne des versants ait eu le temps de diminuer sensiblement. Ce phénomène peut se produire quels que soient l'intensité et l'âge du plissement, et quel que soit le nombre des cycles d'érosion antérieures au cycle actuel. Des fragments de socle hercynien ont été découpés de cette façon; par exemple la chaîne centrale des Tian-Chan dériverait d'une surface d'érosion d'âge secondaire nivelant un socle hercynien et portée à plus de 7.000 mètres. Le seul facteur chronologique qui compte est l'âge des mouvements verticaux. Il faut remarquer 85