linguistique et méthodologie

ANDRE REGNIER

I. Le social et l'individuel

Un problème général se pose aux sciences sociales : savoir d'abord s'U existe dans la vie des hommes en société un ensemble de faits dits sociaux et qui serait l'objet propre de ces sciences. C'est la question de la spécificité des faits sociaux. La vie d'une société étant constituée par l'activité de ses membres, U s'agit de savon* si les faits sociaux doivent être considérés autrement que comme des combinaisons de faits individuels. La réponse est affirmative car U existe des faits individuels qui, identiques en eux-mêmes, ont des conditions de possibilité, ou des conséquences, différentes dans des sociétés différentes, et il existe des faits concernant la société qui ne dépendent pas des consciences, intentions ou actions individuelles. .

La langue est le fait social par excellence. Grâce à la langue, on a des rapports avec des gens qu'on ne connaît pas. Celui qui a vu, ou à qui l'on a parlé, parle à d'autres, et ainsi de suite. Actes et paroles individuels peuvent donc avoir des conséquences que leur auteur ne contrôle pas, ou qu'il ne peut prévoir, ou même qu'il ne connaîtra jamais. Ces mêmes conséquences auraient pu advenir si un autre individu avait commis un autre acte ailleurs ou dit autre chose. Elles ne dépendent parfois ni de l'individu ni de qui il est. Lui-même n'est alors que cause occasionnelle d'événements qui se seraient de toute façon produits car ils auraient toujours trouvé une cause occasionnelle pour les déclencher. Ainsi, de vastes phénomènes intéressant la société toute entière peuvent s'entraîner les uns les autres, les individus qui y participent n'y jouant personnellement un rôle qu'à titre de contingences négligeables. Exemple de ces choses qui peuvent être dites en parlant de la société et qui ne peuvent l'être en parlant des individus.