Le psychodrame des Ides de mars1

Le psychodrame est, au sens propre, une technique de résolution des conflits psychiques par l'improvisation dramatique en petits groupes2. Une situation initiale étant par exemple tirée d'un fait divers de journal, les participants se partagent les rôles, quittes à les échanger en cours de route, et, à partir de ces rôles, cherchent à se libérer de leurs personnages intérieurs, sans être liés par un scénario. Un meneur de jeu, qui peut à l'occasion s'intégrer à l'action, aidera les patients à extérioriser leurs conflits, à prendre ainsi conscience de leurs obsessions et inhibitions latentes.

Mais le terme est aujourd'hui assez couramment employé dans un sens étendu, en particulier pour caractériser le comportement des groupes humains où l'on prend les mots pour des choses, où l'on confond action et gesticulation. C'est en ce sens défavorable que R. Aron parlait du « psychodrame de la Sorbonne » à propos de ce qui s'y passait en mai-juin 1968, et qu'il appelait aussi un « marathon de palabres3 ».

L'assassinat de César ayant tout de même fait une victime, il paraît difficile de lui appliquer le mot dans cette acception ironique. Mais l'inefficacité est-elle de l'essence du psychodrame? Ce qui importe bien plutôt, c'est le jeu des rôles, la « prise de rôles », et en fin de compte la catharsis, qui est ici celle de l'acteur, non du spectateur comme dans la théorie d'Aristote. Que l'action fictive débouche ou non sur un dénouement réel n'est pas le problème. On peut être « pris par l'action » ; on peut, par exemple, faire la Révolution en jouant à la faire ; cela s'est vu.

Il doit donc être permis d'appliquer le terme de psychodrame à toute forme de théâtralisation spontanée dans laquelle un groupe de personnes prennent des rôles, en général inspirés au départ de stéréotypes sociaux ou historiques, et à partir de ces rôles établissent entre elles des relations fictives qui les mettent dans un « état second », où elles prononcent des paroles,