Paul Chamberland, l'un des membres fondateurs de la revue Partipris qui visait l'indépendance, la laïcisation et le socialisme dans les années 1960, est un poète militant. Pendant la période de la Révolution tranquille, il a lutté, avec Gaston Miron, Gatien Lapointe et Yves Préfontaine, contre la domination coloniale des anglophones et du gouvernement fédéral d'Ottawa et aussi contre la classe desbourgeois francophones et l'Église catholique.
Le recueil de poèmes Terre Québec, publié en 1964, traduit bienles idées anticolonialiste, indépendantiste et anticléricale de Chamberland. Notre analyse consiste à mettre en lumière la rhétorique de la négativité mise en jeu dans ses poèmes pour que le peuple québécois puisse prendre conscience de la situation aliénante sur les plans économique, politique et social. Pour lui, les Québécois francophones sont des “damnés de la terre”. Depuis la “Conquête”anglaise en 1760, les Canadiens ou bien les Canadiens français sont un peuple conquis et colonisé. Chamberland décrit le monde du peuple maudit en utilisant les images de la nuit, des ténèbres et de l'hiver. Le propos de tels procédés rhétoriques est de mettre en relief l'aspect tragique de l'histoire des francophones. Cette histoire de ladouleur révèle qu'il n'était pas question de vivre mais de survivre. La majorité des froncophones étaient des paysans catholiques, ce qui leur a permis de garder l'identité originelle. Mais la religion catholique et l'agriculture sont des valeurs-refuges qui empêchent dedévelopper l'industrie et de s'ouvrir au monde extérieur. Pour Chamberland, les paysans sont des gens qui tracent “le sillon del'exil” et la “cathédrale” est “aux clefs d'exil”. Il incite les Québécoisà sortir du “silence” et à se révolter contre le système établi. Il utilise les métaphores, les énumérations, les images militaires, les groupes nominaux qui sont susceptibles de s'adapter bien au peuple québécois. Le langage poétique est donc ses “armes miraculeuses” dela décolonisation.