Vitamine D et cancer du sein : physiopathologie, implications biologiques et cliniquesVitamin D and breast cancer: physiopathology, biological and clinical implications
Introduction
Le cancer du sein demeure un problème de santé publique. En France, en 2005, plus de 49000 patientes ont été atteintes d’un cancer du sein et plus de 11000 décès lui sont attribuables en 2006 [1]. On estime qu’au moins une femme sur dix sera atteinte par cette pathologie durant sa vie. Bien que sa curabilité soit en augmentation, notamment grâce aux progrès du dépistage et des traitements adjuvants, le cancer du sein métastatique reste généralement une maladie létale et un diagnostic à un stade précoce reste le meilleur moyen d’améliorer le pronostic global de cette population. Il existe actuellement un regain d’intérêt bibliographique pour l’association vitamine D et cancer du sein, d’une part, parce que la carence en vitamine D est de plus en plus fréquente dans le monde [2, 3], avec un doublement de sa prévalence depuis dix ans et que, d’autre part, de nouvelles données ont mis en évidence ses nombreux effets extra-osseux, notamment dans le cancer du sein, en termes de facteur de risque, de pronostic [4, 5] et d’interaction avec les différents traitements du cancer du sein [6., 7., 8.]. Cela se reflète clairement dans l’évolution du nombre de publications sur le sujet ces dernières années [9]. Cet engouement pour la vitamine D et ses divers rôles dans le cadre du cancer du sein rend souhaitable une synthèse des données disponibles dans la littérature sur son métabolisme, ses rôles physiologiques et son implication en pratique clinique, et plus particulièrement dans le cancer du sein.
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Physiologie, rôle et métabolisme de la vitamine D
La vitamine D a été identifiée en 1922 par McCollum et Davis. Il en existe deux formes, la vitamine D3, appelée aussi cholécalciférol, synthétisée par la peau sous l’influence des ultraviolets B (UVB) ou retrouvée dans les rares sources alimentaires animales, et la vitamine D2, appelée également ergocalciférol, issue des plantes. Les aliments contenant des quantités significatives de vitamine D sont peu nombreux, comme les huiles de foie de poissons, certains poissons gras (harengs, sardines,
Effets cellulaires de la vitamine D
Au niveau intracellulaire, la 1,25(OH)2D agit via un récepteur cytosolique appelé vitamin D receptor (VDR) [21] et exerce des effets endocrines (dans le sens où la 1,25(OH)2D est transportée dans le sang jusqu’à un tissu cible) et autocrines (dans le sens où quelques tissus expriment la 1-α-hydroxylase et le VDR et sont ainsi capables à partir de la 25OHD de la transformer en 1,25(OH)2D qui ne ressort pas des cellules du tissu en question, et est ainsi utilisée localement, l’excès étant
Effets classiques osseux de la vitamine D
Le rôle primordial et le mieux connu de la vitamine D est le maintien de l’homéostasie phosphocalcique. Elle augmente l’absorption intestinale de calcium et de phosphore au niveau du duodénum ou du jéjunum proximal. Le rôle de la vitamine D est d’augmenter la fraction absorbée de calcium et de phosphate, permettant ainsi un environnement minéral optimal pour le tissu osseux afin d’obtenir une bonne minéralisation [32]. L’absorption de calcium se révèle maximale, c’est-à-dire à 65 %, pour une
Effet musculaire de la vitamine D
L’expression du VDR dans les cellules musculaires diminue avec l’âge, et ce sans corrélation avec les taux sériques de vitamine D [38]. Cela a d’importantes implications cliniques, principalement en gériatrie, en termes de force musculaire et de risque de chutes. Une étude transversale, réalisée à partir de 4100 patients ambulatoires âgés de plus de 60 ans recrutés à partir de la population NHANES III (National Health and Nutrition Examination Survey III), a montré qu’il existe une diminution
Vitamine D et immunité
Du point de vue expérimental, la vitamine D stimule l’immunité innée et inhibe l’immunité acquise. La 1-α-hydroxylase est présente dans les cellules immunitaires et est régulée de la même façon que son homologue rénale [41]. Des études expérimentales supprimant le VDR ont montré que l’hématopoïèse était respectée mais la réponse Th1, largement impliquée dans les maladies auto-immunes, était détériorée [42]. De plus, des variations alléliques du gène VDR sont retrouvées dans de nombreuses études
Effets cardiovasculaires
Le VDR est exprimé sur les cellules endothéliales des vaisseaux et sur les cardiomyocytes. Les souris dépourvues de VDR développent une hypertension avec une nette augmentation de rénine responsable d’hypertrophie ventriculaire [61], ainsi qu’une thrombogénicité excessive [62]. Du point de vue clinique, il existe un lien significatif entre concentration basse de 25OHD et élévation de la tension artérielle [63], les plus basses pressions étant observées chez les patients avec un taux de 25OHD
Bases fondamentales et études précliniques expliquant la relation entre vitamine D et cancer
Il existe plusieurs hypothèses pour expliquer la relation entre cancer et vitamine D. La première est que, directement ou indirectement, la 1,25(OH)2D contrôle plus de 200 gènes, incluant des gènes responsables de la régulation de la prolifération cellulaire, de la différenciation, de l’apoptose et de l’angiogenèse, des proto-oncogènes et des gènes suppresseurs de tumeur [20, 21, 68., 69., 70., 71., 72., 73., 74., 75.]. La vitamine D semble contrôler la prolifération cellulaire [76., 77., 78.]
La carence vitaminique D : une pathologie silencieuse mais hautement prévalente dans le cancer du sein au stade adjuvant
La carence en vitamine D est un phénomène extrêmement prévalent dans nos sociétés occidentales, touchant environ une femme sur deux, et une proportion encore plus importante de patientes prises en charge pour un cancer du sein, entre 74 et 79 % selon les études [6, 132, 133]. Cette anomalie potentialise les perturbations du métabolisme osseux affectant ces patientes [132], liées à la ménopause chimio-induite, la corticothérapie, aux inhibiteurs de l’aromatase, ou aux métastases osseuses,
Effets de la supplémentation conventionnelle en vitamine D dans le cancer du sein au stade adjuvant
De même, dans la population des patientes atteintes d’un cancer du sein, les recommandations actuelles apparaissent insuffisantes [133], comme l’illustre l’étude de Crew et al. Dans cette étude, chez des patientes atteintes d’un cancer du sein au stade adjuvant, 74 % des patientes présentaient une déficience en vitamine D à l’état basal. Après un an de supplémentation quotidienne avec 400 UI de vitamine D3, moins de 15 % des patientes déficientes avaient normalisé leurs valeurs sériques de
Conclusion
L’association entre la carence en vitamine D et le cancer du sein semble donc extrêmement fréquente, et associée à tous les paramètres cliniques du cancer, que ce soit l’incidence, la biologie de la tumeur, la présentation clinique, le pronostic ou la tolérance des traitements anticancéreux. Cette carence en vitamine D s’aggrave suite aux traitements adjuvants du cancer. Or, cette anomalie potentialise les perturbations du métabolisme osseux affectant les patientes atteintes d’un cancer du
Liens d’intérêt
Nelly Firmin, Gilles Romieu et William Jacot ont participé, en qualité de co-investigateurs, à l’essai de phase III randomisée VITACAL NCT (01480869).
Références (208)
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