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Le départ imminent du Dr Alan Bernstein, qui quittera la présidence des Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), soulèvera certainement de nombreux débats difficiles au sujet d'un successeur convenable, des orientations futures, de la programmation et d'autres questions structurelles chez le principal fournisseur national de financement des chercheurs en santé des milieux universitaires.
Ces questions et ces délibérations seront valables à condition qu'on ne les laisse pas brouiller un débat plus important ou rater l'occasion que nous offre le changement de corriger la pénurie maintenant chronique de financement. La recherche est un bien public fondamental, et ce principe de base sous-tend le besoin de financement : la recherche fait une différence car elle nous aide à mieux comprendre la maladie et produit des données de la plus grande qualité pour le soin des patients. La recherche sert aussi de locomotive à l'ingéniosité et à l'innovation en santé, ce qui importe pour tous : contribuables, parlementaires et médecins.
En 7 ans à peine depuis la création des IRSC, nés des cendres du Conseil de recherches médicales du Canada, et depuis la nomination du Dr Bernstein à la présidence, l'organisme a vu son budget passer de quelque 250 millions de dollars par année à son niveau actuel de 828 millions, et sa vision dépasser la recherche biomédicale fondamentale pour inclure les trois autres domaines thématiques, ou «piliers», que les IRSC appuient maintenant : recherche clinique, recherche en santé des populations et recherche sur les services et les systèmes de santé.
Le Dr Bernstein a effectué un travail admirable de surveillance de cette transformation et de cette croissance, face en particulier à l'éventail habituel de facteurs et de factions qui surgissent inévitablement dans l'administration de la recherche, y compris le fait que le gouvernement n'apprécie pas l'importance de la recherche en santé, les querelles internes dans les milieux de la recherche au sujet de la répartition convenable du gâteau et les pressions provenant des utilisateurs, comme les entreprises, les administrateurs de soins de santé et le public. La situation a été compliquée par la myopie des intervenants de la recherche qui n'ont pas vu qu'il fallait consacrer de l'argent à la communication efficace et à d'autres initiatives qui rendraient la recherche plus justifiable ou acceptable sur le plan politique — premier pas indispensable lorsqu'il s'agit d'aider des tiers à comprendre l'importance de la recherche et de rendre compte de l'argent des contribuables que l'on a dépensé.
Il était plus facile de négocier ces nombreux écueils périlleux au début de l'existence des IRSC lorsque le budget des instituts augmentait de plus de 10 % par année. À mesure que les augmentations ont diminué, la navigation est toutefois devenue plus difficile. Ce manque de financement durable et de longue durée a suscité du mécontentement au sujet de la répartition des budgets entre les 4 piliers, les spécialistes de la recherche fondamentale en sciences biomédicales donnant souvent la charge. En fait, on affecte maintenant 70 % des subventions des IRSC à la recherche biomédicale fondamentale et ce sont les chercheurs qui œuvrent dans les 3 autres secteurs qui ont le plus raison de se plaindre du déséquilibre, compte tenu particulièrement du fait que c'est leur recherche qui peut produire des améliorations plus rapides et généralisées de la santé de la population canadienne.
La solution ne consiste pas, toutefois, à susciter la concurrence entre les secteurs, ce qui serait désastreux pour la science canadienne. Les 4 secteurs réclament avec raison plus d'argent et il faut subventionner comme il se doit l'éventail complet des chercheurs pour que l'activité de recherche demeure elle-même en bonne santé.
À cette fin, les milieux de la recherche doivent d'abord expliquer et démontrer de façon persuasive le besoin de financement accru. Les contribuables du Canada ont le droit de savoir ce qu'il adviendra de leur argent durement gagné et comment ces dépenses amélioreront la santé, l'état de l'économie ou les deux.
De plus, le gouvernement du Canada doit décider une fois pour toutes s'il est sérieux lorsqu'il affirme vouloir que le pays se taille une place importante dans la recherche en santé sur la scène mondiale. Si oui, il faudrait à cette fin augmenter considérablement les budgets de la recherche pour les porter au niveau de ceux des principaux pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Les États-Unis, par exemple, consacreront 28,9 milliards de dollars à la recherche universitaire en santé en 20071, soit 95,37 $ par habitant. Le Canada y affectera 828 millions2, soit 25,09 $ par habitant. Mais si le gouvernement ne souhaite pas véritablement que le Canada soit un intervenant mondial, il devra laisser tomber le masque. Les promesses à court terme suivies de déceptions à long terme servent mal nos chercheurs, qui ont prouvé qu'ils peuvent faire plus avec moins. Si le financement n'est plus là, il faudrait dire honnêtement à nos scientifiques les meilleurs et les plus brillants de chercher à l'étranger une base stable sur laquelle bâtir la carrière dans laquelle ils ont investi tant de dur labeur et d'argent du contribuable. Il faudra alors dissiper les attentes de la population canadienne, qui pensait que l'on s'attaquerait à nos problèmes de soins de santé au moyen de solutions faites au Canada et reflétant les priorités et les valeurs des Canadiens.