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  • Introduction :le cinéma maghrébin transnational sous toutes ses formes
  • Will Higbee (bio)

Penser en termes de cinéma transnational revient à mettre en exergue la diversité des représentations à la fois locales (spécifiques à une culture) et globales (à même de tisser des liens avec différents publics et des cultures cinématographiques au-delà du pays d'origine). Cet accent sur le transnational permet de sonder tout particulièrement la notion de frontières, leur traversée et les « zones de contact » interculturelles qu'elles génèrent. Le transnational met aussi en valeur les films que l'on pourrait qualifier de postcoloniaux, « accentués » (Naficy 2001) ou diasporiques. Enfin, le cinéma transnational s'intéresse aux politiques de production et de circulation des films à la lumière des inégalités et des possibilités offertes par la multiplication des sites de production et de réception, qui remettent en question la prééminence de l'État-nation et l'apparente immuabilité des relations centre-périphérie. Examiner les cinémas du Maghreb et de ses diasporas du point de vue transnational nous oblige à définir précisément notre objet d'étude en tant que cinéma « maghrébin » et « transnational ». Pour commencer, considérons ces deux concepts-clés.

Comme le suggère Patricia Caillé, la catégorie du cinéma maghrébin elle-même a des effets pervers1 :

Au vu de la diversité des histoires, des industries, des cultures du cinéma nationales, elle engendre une focalisation sur des thématiques culturelles communes... Elle tend également à promouvoir une vision équilibrée des trois (ou cinq) cinémas nationaux au détriment du cinéma marocain qui est [End Page 7] aujourd'hui beaucoup plus actif, plus divers et moins dépendant des financements étrangers.

(2016 : 74)

Évoquer l'idée d'un cinéma maghrébin comme entité unifiée reste donc problématique. Le cinéma qui apparaît en Afrique du Nord depuis les années 1960 et 1970 se présente dans tous les sens du terme (culturel, économique, politique) comme un cinéma national ancré dans le vécu d'un pays précis plutôt qu'un cinéma régional qui chercherait à exprimer une histoire commune et une identité collective « maghrébine » (Armes 2006 : 17). Malgré les coproductions (officielles et non officielles) entre les pays maghrébins ainsi que certaines initiatives de coopération régionale, le cinéma maghrébin « fonctionne » sur un mode de relation distinct avec les trois cinémas nationaux (Maroc, Tunisie, Algérie) qui occupent « à tour de rôle une position de leadership » (Bakrim 2004). En outre, force est de constater que l'idée d'un cinéma maghrébin est plus visible (plus logique même) lorsqu'un film ou un cinéaste voyage pardelà le Maghreb, quand il est vu de l'autre côté de la Méditerranée et surtout que ses films et ses cinéastes sont pensés dans le contexte de la diaspora maghrébine.

Afin de mieux refléter la complexité de cette notion et de se mettre d'accord sur une définition commune, Brahimi identifie trois « lieux » du cinéma maghrébin (2009 : 7-9). Le premier est lié au Maghreb en tant que zone géographique, culturelle et économique où ces films sont (co-) produits. Le second comprend les pays où les films du Maghreb sont « les plus attendus et les plus attentivement regardés » (surtout la France, ancien colonisateur et coproducteur principal). Le troisième est plus abstrait–pas un lieu réel, mais plutôt un lieu construit, une synthèse de regards (culturels, politiques, critiques) différents sur ce qui constitue le cinéma maghrébin. Toute analyse du cinéma maghrébin doit donc prendre en considération les reconfigurations cinématographiques, socio-culturelles et politiques qui affectent la région et ses films. Elle doit également reconnaître un nouveau phénomène que Brahimi n'aurait pas pu prévoir il y a dix ans, à savoir les mutations technologiques à l'ère numérique qui ont profondément bouleversé la manière...

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