Elsevier

La Presse Médicale

Volume 37, Issue 2, Part 2, February 2008, Pages 263-270
La Presse Médicale

Mise au point
Tics et syndrome de Gilles de la Tourette : diagnostic, évolution et principes de traitementTics and Tourette syndrome: diagnosis, course and treatment principles

https://doi.org/10.1016/j.lpm.2007.11.007Get rights and content

Points essentiels

Le terme « syndrome de Gilles de la Tourette » désigne l’association des tics avec d’autres symptômes. La maladie de Gilles de la Tourette en est une des causes les plus fréquentes.

Elle associe, en absence d’une cause identifiable, des tics moteurs et vocaux, des automutilations ainsi qu’une comorbidité psychiatrique variable, dont des troubles obsessifs-compulsifs (TOC) et autres troubles anxieux, des troubles de l’humeur, de la personnalité et un syndrome d’hyperactivité avec trouble attentionnel.

La prévalence du syndrome de Gilles de la Tourette est estimée à 0,1–1 % de la population générale.

L’affection débute dans l’enfance et évolue par une succession de périodes d’aggravation et d’accalmie relatives des tics. Une amélioration est observée à la fin de la deuxième décade chez la majorité des patients, mais des symptômes peuvent persister à l’âge adulte chez environ un tiers des patients.

La cause de la maladie de Gilles de la Tourette est inconnue, mais la contribution d’une susceptibilité génétique, d’un dysfonctionnement du système dopaminergique, ainsi que des réseaux de neurones des territoires associatifs et limbiques des noyaux gris centraux et du cortex préfrontal a été suggérée.

Le traitement du syndrome de Gilles de la Tourette et des formes sévères des tics est souvent difficile et requiert une approche multidisciplinaire (neurologue, psychiatre, psychologue et travailleurs sociaux). En cas de forme légère, l’information et la prise en charge psychologique sont habituellement recommandées. Les traitements médicamenteux – dont les neuroleptiques – sont indispensables dans les formes modérées à sévères de la maladie.

Les comorbidités psychiatriques, lorsqu’elles sont présentes, justifient souvent un traitement spécifique.

Pour les formes très sévères de maladie de Gilles de la Tourette, des résultats préliminaires d’un traitement par stimulation cérébrale profonde des territoires associatifs et limbiques du thalamus ou du pallidum suscitent un réel espoir thérapeutique, qui nécessite cependant d’être confirmé.

Key points

The term “Tourette syndrome” designates the combination of tics with other symptoms. Gilles de la Tourette disease is one of its most frequent causes.

It combines motor and vocal tics, with no identifiable cause, with self-mutilation and variable psychiatric comorbidity that may include obsessive-compulsive disorder (OCD) and other anxiety disorders, mood and personality disorders, and a syndrome of hyperactivity with attention disorders.

The prevalence of Tourette syndrome is estimated at 0.1–1% of the general population.

The condition begins during childhood and develops in a succession of periods of relative aggravation and remission of the tics. Most patients show improvement at the end of adolescence, but symptoms can persist into adulthood in approximately one third of patients.

The cause of Gilles de la Tourette disease is unknown, but the role of genetic susceptibility has been suggested together with dysfunctions of the dopaminergic system and of neuron networks in associative and limbic areas of the basal ganglia and the prefrontal cortex.

Treatment of Tourette syndrome and severe tics is often difficult and requires a multidisciplinary approach (neurologist, psychiatrist, psychologist and social workers). In mild forms, information and psychological management are usually recommended. Drug treatments — including neuroleptics — are essential in the moderate to severe forms of the disease.

Psychiatric comorbidities, when present, often justify specific treatment.

For the most severe forms of Gilles de la Tourette disease, preliminary results of treatment by deep brain stimulation of the associative and limb areas of the thalamus or pallidum have produced real hope of treatment, but nonetheless require confirmation.

Section snippets

Épidémiologie

Les tics sont présents dans tous les pays, toutes les cultures et toutes les ethnies. Leur prévalence varie selon les caractéristiques de la population étudiée, les critères diagnostiques utilisés et les méthodes d’évaluation. Ainsi, une étude effectuée dans le Nord de l’Italie identifie une prévalence de 4,4 % pour les garçons et de 1,1 % pour les filles, parmi 2 347 enfants en classe primaire [6]. Ailleurs, en s’aidant d’une évaluation clinique effective et systématique en milieu scolaire, la

Phénoménologies des tics

Les tics moteurs sont des mouvements soudains, brefs, intermittents, involontaires ou semi-volontaires. Ils vont de mouvements simples (clignement d’un œil ou tic moteur simple), à des comportements plus complexes telles des séquences motrices ou gestuelles normales, évoquant des mouvements volontaires, mais dont les caractères intenses et inappropriés sont remarquables (tics moteurs complexes) [8], [9], [10]. Aux tics moteurs peuvent être associés des tics vocaux simples (cris, raclement de

Diagnostic différentiel des tics et du syndrome de Gilles de la Tourette

Les tics simples peuvent être confondus avec des myoclonies et les tics complexes avec une chorée ou un syndrome dystonique [8], [9], [10], [11], [12]. Aucun de ces mouvements anormaux ne s’accompagne d’une sensation prémonitoire voire d’une coprolalie, ou n’est suppressible par la volonté, comme c’est le cas des tics. Chez des patients avec un déficit intellectuel ou un autisme, des stéréotypies peuvent être difficiles à distinguer des tics complexes. Dans ces situations, la présence de

Étiologie

La cause des tics et de la maladie Gilles de la Tourette est inconnue. La contribution d’un mécanisme causal polygénique est évoquée, et les études de liaison suggèrent l’implication de plusieurs loci différents [25]. La première association entre la maladie de Gilles de la Tourette et un gène a été récemment rapportée [26]. Abelson et al. ont identifié l’implication d’un gène codant pour SLITRK1 – un facteur de la croissance dentritique – dans une inversion de novo du chromosome 13 chez un

Traitement des tics et du syndrome de Gilles de la Tourette

En l’absence de traitement efficace sur le long terme, le traitement des tics – en particulier dans les formes les plus sévères – est difficile et requiert une approche multidisciplinaire (neurologue, psychiatre, psychologue, travailleurs sociaux, associations de malades) [9]. Le préalable au traitement est d’identifier le symptôme (ou la comorbidité) interférant le plus avec la qualité de vie du patient, puis de le traiter en s’aidant de thérapies médicamenteuses et non médicamenteuses. Un

Traitements neurochirurgicaux

Dans les formes très sévères de syndrome de Gilles de la Tourette, des lésions des aires limbiques (cingulotomies, leucotomies limbiques) ont permis d’améliorer les patients mais au prix parfois d’effets secondaires inacceptables [40]. Récemment, une approche infiniment moins agressive, la stimulation cérébrale profonde à haute fréquence de la zone associativo-limbique au sein du thalamus [41] ou du pallidum [42] a permis de diminuer les automutilations de 100 % et les tics de 70 % [40], [41],

Conflits d’intérêts

aucun

Références (42)

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      Other manifestations such as obsessive-compulsive disorder, attention-deficit/hyperactivity disorder, and impulsiveness are frequently associated. Most cases are apparently genetically determined, presenting an autosomal dominant inheritance pattern with variable expression and incomplete penetrance.1-8 Several animal models of Tourette syndrome have been developed; however, none of them has taken into account, simultaneously, all the relevant changes in the neural circuitry and neurochemical environment possibly present in this disorder.

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      Citation Excerpt :

      There are mixed prevalence rates recorded in various studies that make an accurate prevalence rate difficult to establish. Some studies estimate the prevalence of Tourette syndrome as 0.1% to 1% of the general population.44 One observational study recorded a prevalence of tics in 18.7% of 13- to 14-year-old students and Tourette syndrome in 1.85% of the same population.45

    • Scoping Review of Multidisciplinary Care in Tourette Syndrome

      2023, Movement Disorders Clinical Practice
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