Elsevier

EMC - Pneumologie

Volume 2, Issue 3, August 2005, Pages 147-164
EMC - Pneumologie

SarcoïdoseSarcoidosis

https://doi.org/10.1016/j.emcpn.2005.06.002Get rights and content

Résumé

La sarcoïdose est une granulomatose systémique de cause inconnue qui atteint avec prédilection le poumon et les voies lymphatiques. Elle se déclare habituellement entre 25 et 45 ans. De nombreux phénotypes cliniques sont possibles selon le mode de début, les organes atteints, la durée et le degré de sévérité. La radiographie de thorax est anormale dans 86 à 92 % des cas et les différents stades radiographiques décrits ont une grande valeur pronostique. L'évolution est spontanément favorable en 12 à 36 mois chez 50 % des patients. Elle peut aussi être sévère lorsque des lésions granulomateuses sont localisées dans certains sites et surtout en cas d'évolution vers une fibrose pulmonaire. Le diagnostic repose sur la conjonction d'arguments cliniques, radiologiques et histopathologiques, et l'exclusion des autres granulomatoses. La sarcoïdose est caractérisée par une réaction immunitaire incontrôlée à des antigènes environnementaux non encore identifiés et d'élimination lente. Le profil immunitaire au sein des lésions granulomateuses est de type Th1. L'incidence et le phénotype clinique dépendent de facteurs génétiques prédisposants. Malgré l'absence de cause, plusieurs médicaments, dont la corticothérapie générale, ont démontré leur efficacité sur les lésions granulomateuses. Leur effet est purement suspensif. Ils ne sont proposés que si un bénéfice thérapeutique est attendu et pour une durée variable, habituellement supérieure à 1 an.

Abstract

Sarcoidosis is a multisystemic granulomatous disease of unknown cause, which most frequently involves the lung and the lymphatic system. It is generally observed between 25 and 45 years old. Various clinical phenotypes exist, depending on involved organs, duration and severity. Chest radiography is abnormal in 86-92% of the cases. Four different radiographic stages have been defined, based on the presence or absence of hilar lymphadenopathy and/or lung infiltration with or without fibrosis, each determining a different prognosis. The evolution is favourable in 12-36 months in 50% of patients but the course of the disease can be severe when granulomatous lesions are localized in some particular sites or in case of pulmonary fibrosis. The diagnosis is established on the combination of clinical and radiological presentation, histopathological findings and the exclusion of other granulomatous disorders. Sarcoidosis is characterized by an uncontrolled immunological reaction to unidentified antigens with a low clearance. The formation of the granulomas is controlled by a Th1 type response. The incidence and the clinical phenotype of the disease depend on predisposing genetic factors. Even in the absence of evident cause, several medications including glucocorticoid agents have demonstrated efficacy on granulomatous lesions. Their effect is only suspensive. They are indicated only when a beneficial effect is expected and they must be given for at least one year.

Introduction

La sarcoïdose est une affection systémique d'étiologie inconnue, touchant avec prédilection l'appareil respiratoire et les voies lymphatiques, et caractérisée par la formation de granulomes immunitaires dans les organes atteints.1., 2., 3. La sarcoïdose est une maladie ubiquitaire non exceptionnelle, observée à un moment donné chez 0,85 à 2,4 % des individus, le plus souvent entre 25 et 45 ans.4., 5. Le phénotype clinique de la sarcoïdose est très divers, avec de nombreuses variantes concernant le mode de révélation, les organes atteints, la durée d'évolution et la sévérité.6., 7. La sphère thoracique est presque constamment atteinte, comme le démontre la radiographie de thorax qui révèle la présence d'adénopathies et/ou d'une infiltration pulmonaire diffuse dans 86 à 92 % des cas.1., 2., 6., 8. Les autres atteintes viscérales les plus fréquentes sont ganglionnaires superficielles, cutanées et ophtalmologiques, chacune avec une fréquence entre 15 et 25 %. Dans plus de la moitié des cas, l'évolution est spontanément favorable dans un délai de 12 à 36 mois.6., 8. Cependant, la sarcoïdose peut être sévère et ce par plusieurs mécanismes : localisation des lésions granulomateuses dans un site anatomique très vulnérable (faisceau de His, nerf optique, système nerveux central, larynx, etc.), intensité de l'atteinte granulomateuse dans certains organes aboutissant à une perte fonctionnelle (insuffisance respiratoire par exemple) et surtout fibrose pulmonaire, principale cause de morbidité et de mortalité en Europe et en Amérique du Nord.6., 9., 10. La sarcoïdose constitue aussi une cause d'hypercalcémie dans 5 % des cas en raison d'une anomalie du métabolisme de la vitamine D3 au sein des lésions granulomateuses.11

La sarcoïdose est caractérisée par une réaction immunitaire incontrôlée à des antigènes non encore identifiés, lentement biodégradables.3., 11. L'incidence et le phénotype clinique de la maladie dépendent de facteurs génétiques prédisposants.12., 13. Le profil immunitaire des lésions granulomateuses14 est orienté vers un profil Th1 et de nombreux éléments plaident pour un rôle déterminant de la production en leur sein d'interféron (IFN) γ, d'interleukine (IL) 2 et de tumor necrosis factor (TNF) α.3

Malgré l'absence d'individualisation d'une cause, plusieurs médicaments, au premier rang desquels la corticothérapie générale, ont démontré leur efficacité pour contrôler les lésions granulomateuses et leurs conséquences.6 On s'accorde à penser que l'impact d'action de la plupart de ces médicaments passe par un effet anti-TNFα.15 Les indications et les modalités du traitement dépendent du phénotype clinique et des enjeux pronostiques à long terme.

Section snippets

Pathogénie

Il est désormais clairement établi que la sarcoïdose est la conséquence d'une réponse immunitaire incontrôlée à des antigènes non encore identifiés.6., 12., 16. Cette réponse de type cellulaire, qui met en jeu des monocytes-macrophages et des lymphocytes T activés, aboutit à la formation de granulomes typiques aux sites des lésions. Bien que l'étiologie de la sarcoïdose demeure inconnue, des progrès importants ont été réalisés ces dernières années dans la compréhension de la pathogénie de cette

Étiologie

L'étiologie de la sarcoïdose demeure inconnue et n'est pas facile à cerner du fait de l'hétérogénéité des manifestations cliniques, de l'influence de facteurs génétiques et ethniques, et de la ressemblance avec d'autres granulomatoses de causes connues. Il apparaît en fait de plus en plus probable que la survenue de la maladie soit la conséquence d'une réponse immunitaire évoluant sur un mode chronique, liée à une prédisposition génétique et une exposition à des facteurs environnementaux

Anatomie pathologique

Le granulome non nécrosant à cellules géantes et épithélioïdes représente la lésion histopathologique de la sarcoïdose.6 Il se différencie généralement facilement d'autres types de granulomes.

Point fort : Caractéristiques du granulome sarcoïdien

  • Structure habituellement concentrique, constituée d'un amas central et compact d'histiocytes, de cellules épithélioïdes, de cellules géantes et de lymphocytes T CD4+ , autour duquel s'agrège une couronne de lymphocytes T CD8+.

  • Forme sphérique et nette

Épidémiologie

L'incidence de la sarcoïdose est comprise en moyenne entre 15 et 22 par 100 000 et par an.4., 5. Plusieurs facteurs épidémiologiques influencent l'incidence et le phénotype clinique de la sarcoïdose. Soixante-dix pour cent des cas se déclarent avec une incidence égale entre hommes et femmes entre 25 et 40 ans, et près de 30 % débutent autour de la cinquantaine avec une nette prédominance féminine.5 Au total, le sex-ratio femmes/hommes est compris entre 1,2 et 1,5 (1, 2, 5, 7). L'incidence de la

Circonstances de découverte

La présentation initiale de la maladie est diverse. Les signes révélateurs peuvent être :

  • des symptômes respiratoires (surtout toux persistante ; plus rarement dyspnée d'effort progressive ; exceptionnellement hémoptysie) ;

  • des localisations extrathoraciques (adénopathies périphériques, uvéite antérieure, localisation cutanée) ;

  • des signes généraux ;

  • un érythème noueux.

Ces signes peuvent être isolés ou combinés. Les signes généraux incluent volontiers une asthénie qui peut être profonde et au

Clinique

L'interrogatoire permet de vérifier l'absence de facteur prédisposant à une maladie granulomateuse de cause connue : tuberculose, histoplasmose, exposition professionnelle à l'inhalation de béryllium, agents organiques inhalés responsables de pneumopathie d'hypersensibilité, traitements (interférons α et β, BCG-thérapie intravésicale, etc.). L'examen clinique montre le plus souvent l'absence d'anomalies respiratoires, tandis que des signes liés à une ou plusieurs localisations

Localisations extramédiastinopulmonaires

Des localisations extramédiastinopulmonaires se voient dans près de la moitié des cas, associées dans 80 % des cas à une atteinte médiastinopulmonaire radiographique.7 Le nombre de localisations est le plus souvent compris entre un et trois.7 Certaines localisations sont fréquentes et facilitent la confirmation du diagnostic (peau, ganglions lymphatiques, yeux et foie) ; d'autres sont plus rares mais nécessitent la mise en œuvre d'un traitement sous peine de risques fonctionnels voire vitaux

Biologie

Les anomalies biologiques sont corrélées à la diffusion viscérale et à l'évolutivité de la sarcoïdose. La concentration sérique de l'enzyme de conversion de l'angiotensine I est élevée dans 60 % des cas. Une concentration supérieure à deux fois la normale constitue un élément important d'appoint au diagnostic. Sa mesure répétée est utile pour monitorer le traitement. Les anomalies du métabolisme calcique donnent une hypercalcémie dans 5 % des cas et une hypercalciurie dans 40 % des cas. Une

Diagnostic

Le diagnostic repose sur la présentation radioclinique qui doit être évocatrice ou compatible, la mise en évidence de lésions granulomateuses et l'exclusion des autres maladies granulomateuses.6 Sont particulièrement évocatrices la présence d'adénopathies intrathoraciques typiques avec ou sans infiltration pulmonaire, certaines localisations extrapulmonaires, la discrétion relative du retentissement clinique et l'association éventuelle d'un érythème noueux. La mise en évidence de granulomes est

Pronostic et évolution

L'évolution de la sarcoïdose est extrêmement variable en durée et sévérité. Dans la moitié des cas, la durée est limitée de 12 à 36 mois et dans la plupart des autres à moins de 60 mois. Chez une minorité de patients, l'évolution peut être très prolongée, jusqu'à plusieurs décennies. Dans plus de la moitié des cas, la sarcoïdose guérit spontanément sans séquelles. Elle est mortelle dans 0,5 à 5 % des cas, le plus souvent par complications en rapport avec une fibrose pulmonaire (insuffisance

Traitement

Trente à 70 % des patients ayant une sarcoïdose guérissent spontanément sans séquelles.3 Dans les autres cas, un traitement est justifié du fait de la survenue, au moment du diagnostic ou en cours d'évolution, de certaines manifestations.

Bien que la cause de la sarcoïdose reste inconnue, plusieurs familles de molécules sont efficaces. Ces molécules agissent à certains niveaux clés de la pathogénie de la maladie et permettent de la « contrôler » moyennant plusieurs réserves importantes.

Mise en

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