Elsevier

Archives de Pédiatrie

Volume 17, Issue 10, October 2010, Pages 1425-1432
Archives de Pédiatrie

Mémoire original
Évaluation d’un protocole de prise en charge de l’encéphalopathie anoxo-ischémique du nouveau-né par hypothermieAssessment of a hypothermia protocol implementation for hypoxic-ischemic encephalopathy in term newborns

https://doi.org/10.1016/j.arcped.2010.03.010Get rights and content

Résumé

Introduction

Un protocole d’hypothermie corporelle globale (HCG) dans le traitement de l’encéphalopathie anoxo-ischémique (EAI) du nouveau-né à terme est appliqué dans notre réseau depuis mai 2004. L’objectif principal de notre étude était d’évaluer sa faisabilité ; l’objectif secondaire étant d’apprécier son influence sur l’évolution des nouveau-nés.

Méthodes

Étude rétrospective monocentrique des nouveau-nés admis pour EAI depuis mai 2004. La faisabilité du protocole a été appréciée par son observance lors des 72 premières heures d’hospitalisation. L’organisation du suivi ainsi que le devenir après l’âge de 1 an, jugé par le taux combiné de décès et de séquelles neurologiques, ont été analysés en comparant notre population à un groupe témoin historique.

Résultats

Vingt-cinq enfants ont été inclus. Le protocole n’avait pas été correctement appliqué pour 8 enfants soit parce que le degré d’HCG demandé n’était pas atteint, soit du fait d’une admission tardive, soit en raison d’une mauvaise appréciation de la gravité de l’EAI. Pour les 17 enfants traités, l’HCG avait été obtenue à 6,4 h de vie. Aucun enfant n’avait été perdu de vue après mai 2004. Quarante pour cent des enfants avec EAI ont eu une évolution neurologique défavorable après l’instauration du protocole versus 87 % avant (p < 0,01).

Conclusion

Le principal facteur limitant à la mise en place de l’HCG est la nécessité d’une admission précoce du nouveau-né, impliquant son transfert rapide. Le protocole s’est accompagné d’une amélioration du suivi et de l’évolution à 1 an.

Summary

Background

A whole-body hypothermia protocol for term infants with hypoxic-ischemic encephalopathy (HIE) was implemented in our network in May 2004. The main objective of this study was to assess the feasibility of the protocol. The impact on the outcome was also assessed.

Methods

Monocentric retrospective study of all term infants admitted for HIE after the implementation of the protocol. The feasibility of the protocol was evaluated by its observance during the first 72 h. The neurodevelopmental outcome at 12 months of age of this population was compared with a historical control group.

Results

Twenty-five children were included. The protocol was not correctly applied for 8 children. The target temperature (33–34 °C) was not reached for 3 infants. Four infants were admitted after 6 h of age. In 1 infant, HIE was not diagnosed at admission. In the 17 patients with a good protocol observance, rectal temperature fell to the target temperature on average at 6.4 h of age. The long-term follow-up rate was improved after the implementation of the protocol (100 % versus 92 % before protocol implementation). Death or neurodevelopmental disability occurred in 40 % during the protocol period versus 87 % before protocol implementation (p < 0.01).

Conclusions

The main limiting factor for implementation of whole-body hypothermia in infants with HIE is admission delay. The follow-up and the rate of death or disability in infants with HIE improved after implementing the protocol.

Introduction

L’encéphalopathie anoxo-ischémique (EAI) modérée ou sévère est toujours une cause importante de mortalité et de morbidité néonatale et concerne 0,5 à 1 nouveau-né pour 1000 naissances à terme [1]. Sa prise en charge médicamenteuse semble avoir atteint ses limites au cours de ces dernières années. Des études expérimentales animales ont montré qu’un refroidissement cérébral de 2 à 5 °C [2], [3], [4], [5], [6], [7], [8] avait un effet neuroprotecteur. Selon les études, le volume cérébral atteint est réduit de 20 à 80 % par rapport aux animaux témoins. L’effet bénéfique de l’hypothermie lors d’une EAI peut s’expliquer par différents mécanismes : amélioration du métabolisme cérébral avec réduction de la mort neuronale [10], réduction de l’œdème cérébral grâce à une atteinte moins sévère de la barrière hémato-encéphalique, diminution des convulsions et action spécifique sur la cascade excitotoxique avec réduction de l’apoptose [11].

Ainsi, ces différents modèles animaux mimant les lésions cérébrales observées au cours de l’EAI ont permis de tester l’effet de l’hypothermie et de définir ses conditions de réalisation. Pour être efficace, ce traitement doit être initié tôt après l’accident anoxo-ischémique, dans un délai n’excédant pas 6 h [12] et doit être maintenu pendant 72 h [9]. Deux techniques sont possibles : l’hypothermie corporelle globale (HCG) ou l’hypothermie cérébrale sélective obtenue avec un casque réfrigérant et associée à un refroidissement corporel modéré.

Plusieurs études cliniques ont également permis de confirmer la faisabilité et l’innocuité de l’hypothermie [13], [14], [15] en ne montrant pas de complications particulières notamment en termes d’hypertension artérielle pulmonaire ou d’hémorragie [16], [17], [18]. En termes d’efficacité, 2 grandes études randomisées ont suggéré un bénéfice de cette stratégie [17], [18]. Une méta-analyse récente [19] a montré une diminution significative du nombre de décès ou d’atteintes neurologiques chez les survivants (RR 0,76 ; 95 % CI 0,65–0,89). Cet effet était constaté pour les encéphalopathies modérées et sévères. En distinguant la méthode d’hypothermie, la différence reste significative pour l’HCG mais plus pour l’hypothermie sélective. La Toby Study, sur une population de 325 enfants, a également montré un effet bénéfique avec à l’âge de 18 mois une augmentation du taux de survie sans handicap dans le groupe hypothermie [20].

Compte tenu de ces résultats, cette technique tend à se généraliser mais son utilisation ne peut se faire qu’en appliquant des protocoles précis basés sur les études cliniques [21] et en établissant un suivi à long terme. Une évaluation précise de la sévérité de l’EAI à l’admission est indispensable, un traitement par hypothermie n’étant pas justifié chez les nouveau-nés présentant une EAI mineure étant donné leur excellent pronostic.

Dans notre réseau périnatal, la prise en charge de l’EAI par HCG a été protocolisée depuis mai 2004 mais n’avait pas encore été évaluée. L’objectif principal de cette étude était d’évaluer la faisabilité de ce protocole au sein d’un réseau afin de définir les problèmes rencontrés pour sa mise en place. En objectif secondaire, nous avons étudié son influence sur l’évolution à court et moyen terme en analysant le suivi à l’âge de 1 an et en le comparant à un groupe historique d’enfants atteints d’EAI non traités par hypothermie.

Section snippets

Population

Il s’agit d’une étude rétrospective monocentrique réalisée dans le service de réanimation néonatale du centre hospitalier universitaire de Grenoble. Ce service est inclus dans un réseau périnatal comportant 5 établissements et assurant 10 000 naissances annuelles. Un service mobile d’urgence et de réanimation (SMUR) néonatal et pédiatrique assure le transport néonatal. Ce service peut également recevoir des enfants provenant des 3 autres réseaux de périnatalité de la région Rhône Alpes,

Résultats

Après la mise en place du protocole d’HCG, 25 nouveau-nés nés entre le 1er mai 2004 et le 31 décembre 2006 présentaient les critères d’inclusion du protocole. Au cours de cette période, 4 nouveau-nés supplémentaires ont été traités par HCG à leur admission dans l’attente du résultat de l’EEG. Celui-ci étant normal, l’HCG a été levée.

Le groupe témoin comportait 25 enfants hospitalisés avant mai 2004, présentant une EAI mais non traités par HCG.

Discussion

Nous avons instauré dans notre centre à partir du 1er mai 2004 un protocole d’HCG entre 33 et 34 °C car, à cette époque, les données de la littérature suggéraient son innocuité à court terme [14]. Cette stratégie a pour objectif d’obtenir un refroidissement optimal des régions cérébrales profondes (donc des noyaux gris centraux) qui sont atteintes en cas d’hypoperfusion sévère [23]. Notre étude de faisabilité montre les difficultés de mise en place d’un protocole d’HCG au sein d’un réseau

Conclusion

Cette étude nous a donc permis de mettre en évidence les difficultés auxquelles nous avons été confrontées dans l’application de notre protocole d’HCG au sein d’un réseau périnatal. Malgré son instauration depuis mai 2004, celui-ci n’a pas été suivi dans un tiers des cas notamment en raison d’une admission trop tardive. Une information des services de néonatologie de notre réseau et de l’équipe de SMUR néonatale sur les critères et les conditions de transfert s’avère donc nécessaire et la

Conflit d’intérêt

Aucun.

Références (29)

  • C. Coimbra et al.

    Moderate hypothermia mitigates neuronal damage in the rat brain when initiated several hours following transient cerebral ischemia

    Acta Neuropathol

    (1994)
  • M. Thoresen et al.

    Posthypoxic cooling of neonatal rats provides protection against brain injury

    Arch Dis Child Fetal Neonatal Ed

    (1996)
  • A.R. Laptook et al.

    Modest hypothermia provides partial neuroprotection when used for immediate resuscitation after brain ischemia

    Pediatr Res

    (1997)
  • A.J. Gunn et al.

    Dramatic neuronal rescue with prolonged selective head cooling after ischemia in fetal lambs

    J Clin Invest

    (1997)
  • Cited by (2)

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