Mise au point
Hypothermie thérapeutique en traumatologie crânienne graveTherapeutic hypothermia for severe traumatic brain injury

https://doi.org/10.1016/j.annfar.2013.09.004Get rights and content

Résumé

L’hypothermie thérapeutique (HT) est désormais un standard de soins dans la réanimation du post-arrêt cardiaque dans une stratégie de neuroprotection. En traumatologie crânienne grave, les principales études cliniques évaluant l’HT n’ont pas montré d’amélioration du devenir neurologique ou de la mortalité des patients traités par hypothermie. Le rationnel pour l’utilisation de cette thérapeutique reste pourtant élevé avec de nombreuses preuves expérimentales en sa faveur. Ainsi, l’absence de bénéfice de l’usage systématique précoce de l’HT chez les patients après un traumatisme crânien grave ne doit pas remettre en cause cette technique qui reste un traitement de deuxième intention pour l’hypertension intracrânienne (HTIC). Dans la majorité des études en effet, l’HT diminue la pression intracrânienne. Les modalités pratiques de mise en place de l’HT conditionnent son succès et font appel à une induction par refroidissement de surface ou intravasculaire jusqu’à la température cible de 35 °C, au maintien de l’HT pour une durée supérieure à 48 heures et à un réchauffement après la phase d’HTIC de l’ordre de 0,5 à 1 °C/j. Au-delà du traitement de l’HTIC, la maîtrise des moyens de refroidissement des patients reste fondamentale en neuroréanimation pour limiter les épisodes délétères d’hyperthermie chez le patient cérébrolésé. L’objectif de cette mise au point est d’aborder la balance bénéfice/risque et les aspects pratiques de la réalisation de l’HT en traumatologie crânienne grave.

Abstract

Therapeutic hypothermia (TH) is considered a standard of care in the post-resuscitation phase of cardiac arrest. In experimental models of traumatic brain injury (TBI), TH was found to have neuroprotective properties. However, TH failed to demonstrate beneficial effects on neurological outcome in patients with TBI. The absence of benefits of TH uniformly applied in TBI patients should not question the use of TH as a second-tier therapy to treat elevated intracranial pressure. The management of all the practical aspects of TH is a key factor to avoid side effects and to optimize the potential benefit of TH in the treatment of intracranial hypertension. Induction of TH can be achieved with external surface cooling or with intra-vascular devices. The therapeutic target should be set at a 35 °C using brain temperature as reference, and should be maintained at least during 48 hours and ideally over the entire period of elevated intracranial pressure. The control of the rewarming phase is crucial to avoid temperature overshooting and should not exceed 1 °C/day. Besides its use in the management of intracranial hypertension, therapeutic cooling is also essential to treat hyperthermia in brain-injured patients. In this review, we will discuss the benefit-risk balance and practical aspects of therapeutic temperature management in TBI patients.

Introduction

Le traumatisme crânien (TC) représente une cause importante de décès et de séquelles neurologiques lourdes au sein de la population mondiale, touchant plus particulièrement les adultes jeunes. En France, l’incidence des traumatismes crâniens est évaluée à 150–300/100 000 habitants/an avec une mortalité de l’ordre de 50 % après un TC grave. L’objectif de la prise en charge initiale de ces patients en neuroréanimation est de limiter l’apparition des lésions cérébrales secondaires, provoquées par une cascade physiopathologique complexe post-traumatique. De manière schématique, ces lésions secondaires résultent de l’inadéquation entre le débit sanguin cérébral, l’oxygénation cérébrale et les besoins métaboliques du cerveau traumatisé [1]. La mesure de la pression intracrânienne (PIC), bien que récemment remise en question [2], reste ainsi indispensable pour dépister et traiter les épisodes d’hypertension intracrânienne (HTIC) et éviter une baisse de la perfusion cérébrale [3].

L’hypothermie thérapeutique (HT) est apparue comme un traitement efficace de l’HTIC. En effet, celle-ci combine à la fois une réduction du débit sanguin cérébral permettant une diminution du volume sanguin cérébral et une réduction du métabolisme cérébral global limitant les besoins énergétiques cérébraux dans une phase de compromission des apports [4]. Un aspect plus controversé de l’HT est sa propriété neuroprotectrice proprement dite. Le concept d’hypothermie pour la protection tissulaire est assez intuitif puisque la conservation des tissus biologiques est améliorée par le froid. Historiquement, le Baron Larrey, médecin des armées napoléoniennes, avait constaté une plus grande survie des soldats traumatisés hypothermes sur le champ de bataille [5]. Dans les années 1990, l’hypothermie thérapeutique est progressivement apparue comme une thérapeutique prometteuse montrant une diminution de la PIC et un meilleur devenir neurologique chez les patients traités par HT après un TC grave [6], [7], [8]. Cependant, l’engouement des premières études fût nuancé par la première étude randomisée de grande ampleur, incluant 392 patients, montrant une absence de bénéfice de l’HT sur le devenir neurologique [9]. Alors que l’intérêt de cette thérapeutique semblait remis en cause, l’effet de l’HT précoce sur le devenir neurologique des patients victimes d’un arrêt cardiaque a complètement réhabilité ce traitement dans les années 2000 [10], [11]. L’objectif de cette mise au point est donc d’aborder l’HT dans le contexte du traumatisme crânien grave au vu des dernières études publiées afin de clarifier les indications et les moyens pratiques de cette technique dans une approche de balance bénéfice-risque.

Section snippets

Rationnel : température et cerveau

Le premier argument pour l’utilisation et la maîtrise des moyens de refroidissement en neuroréanimation est la nécessité d’éviter les épisodes d’hyperthermie cérébrale chez les patients ayant un traumatisme crânien grave. L’hyperthermie centrale est, en effet, un phénomène extrêmement fréquent en neuroréanimation puisque près de la moitié des patients présente au moins un épisode d’hyperthermie pendant leur séjour en réanimation. Ce chiffre s’élève à 93 % pour une durée de séjour supérieure à

Les essais cliniques

Il existe à ce jour 18 essais contrôlés randomisés concernant l’utilisation de l’hypothermie thérapeutique en traumatologie crânienne [21]. Ces essais cliniques ont été obtenus par Medline à l’aide des mots clés hypothermia, traumatic brain injury et intracranial pressure avec le filtre clinical trials et review articles. Seules les études randomisées contrôlées, en langue anglaise, utilisant l’HT plus de 12 heures dans le groupe traité et évaluant le devenir neurologique au moins à trois mois

Les raisons de l’échec de l’hypothermie thérapeutique

La raison principale des échecs des différentes études de haut grade sur l’HT repose sur la confusion entre l’utilisation de l’HT systématique précoce sans prendre en compte l’existence d’une HTIC et traitement ciblé de l’HTIC. L’absence d’évaluation de haut niveau méthodologique dans le cadre du traitement ciblé de l’HITC est sans doute liée aux difficultés pratiques pour mener une telle étude. Les études précédemment décrites ont utilisé l’HT systématique précoce, par extrapolation au TC

L’hypothermie thérapeutique en pratique

La réalisation d’une HT peut être divisée en trois phases : l’induction, le maintien et le réchauffement. Le développement des techniques de refroidissement automatisées a rendu la réalisation de ces phases plus aisée et il convient de respecter certaines règles pratiques pour une efficacité optimale.

Conclusion

La maîtrise des moyens de refroidissement est fondamentale en neuroréanimation pour contrôler la température des patients et éviter les épisodes d’hyperthermie centrale et cérébrale. L’utilisation de l’hypothermie thérapeutique est utile dans le traitement de l’HTIC comme traitement de deuxième ligne et ne doit pas être réalisée de manière systématique à tous les patients. La cible de température à atteindre est basée sur la réponse de la PIC avec des méthodes de refroidissement externe

Déclaration d’intérêts

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

Références (43)

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      Citation Excerpt :

      Krause et al. reported an additive aspect of the negative effects of shock and hypothermia on the haemodynamic and haemostasis parameters in a porcine study. The decrease in cardiac output and the coagulopathy persist, even after the bleeding has stopped and volume expanders have been used in the hypothermic animals [18,23–25,38,39]. Wladis et al. have also confirmed the aggravation of the hypokinetic situation from haemorrhagic shock during hypothermia in an experimental study on pigs.

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