Mise au pointHypothermie thérapeutique en traumatologie crânienne graveTherapeutic hypothermia for severe traumatic brain injury
Introduction
Le traumatisme crânien (TC) représente une cause importante de décès et de séquelles neurologiques lourdes au sein de la population mondiale, touchant plus particulièrement les adultes jeunes. En France, l’incidence des traumatismes crâniens est évaluée à 150–300/100 000 habitants/an avec une mortalité de l’ordre de 50 % après un TC grave. L’objectif de la prise en charge initiale de ces patients en neuroréanimation est de limiter l’apparition des lésions cérébrales secondaires, provoquées par une cascade physiopathologique complexe post-traumatique. De manière schématique, ces lésions secondaires résultent de l’inadéquation entre le débit sanguin cérébral, l’oxygénation cérébrale et les besoins métaboliques du cerveau traumatisé [1]. La mesure de la pression intracrânienne (PIC), bien que récemment remise en question [2], reste ainsi indispensable pour dépister et traiter les épisodes d’hypertension intracrânienne (HTIC) et éviter une baisse de la perfusion cérébrale [3].
L’hypothermie thérapeutique (HT) est apparue comme un traitement efficace de l’HTIC. En effet, celle-ci combine à la fois une réduction du débit sanguin cérébral permettant une diminution du volume sanguin cérébral et une réduction du métabolisme cérébral global limitant les besoins énergétiques cérébraux dans une phase de compromission des apports [4]. Un aspect plus controversé de l’HT est sa propriété neuroprotectrice proprement dite. Le concept d’hypothermie pour la protection tissulaire est assez intuitif puisque la conservation des tissus biologiques est améliorée par le froid. Historiquement, le Baron Larrey, médecin des armées napoléoniennes, avait constaté une plus grande survie des soldats traumatisés hypothermes sur le champ de bataille [5]. Dans les années 1990, l’hypothermie thérapeutique est progressivement apparue comme une thérapeutique prometteuse montrant une diminution de la PIC et un meilleur devenir neurologique chez les patients traités par HT après un TC grave [6], [7], [8]. Cependant, l’engouement des premières études fût nuancé par la première étude randomisée de grande ampleur, incluant 392 patients, montrant une absence de bénéfice de l’HT sur le devenir neurologique [9]. Alors que l’intérêt de cette thérapeutique semblait remis en cause, l’effet de l’HT précoce sur le devenir neurologique des patients victimes d’un arrêt cardiaque a complètement réhabilité ce traitement dans les années 2000 [10], [11]. L’objectif de cette mise au point est donc d’aborder l’HT dans le contexte du traumatisme crânien grave au vu des dernières études publiées afin de clarifier les indications et les moyens pratiques de cette technique dans une approche de balance bénéfice-risque.
Section snippets
Rationnel : température et cerveau
Le premier argument pour l’utilisation et la maîtrise des moyens de refroidissement en neuroréanimation est la nécessité d’éviter les épisodes d’hyperthermie cérébrale chez les patients ayant un traumatisme crânien grave. L’hyperthermie centrale est, en effet, un phénomène extrêmement fréquent en neuroréanimation puisque près de la moitié des patients présente au moins un épisode d’hyperthermie pendant leur séjour en réanimation. Ce chiffre s’élève à 93 % pour une durée de séjour supérieure à
Les essais cliniques
Il existe à ce jour 18 essais contrôlés randomisés concernant l’utilisation de l’hypothermie thérapeutique en traumatologie crânienne [21]. Ces essais cliniques ont été obtenus par Medline à l’aide des mots clés hypothermia, traumatic brain injury et intracranial pressure avec le filtre clinical trials et review articles. Seules les études randomisées contrôlées, en langue anglaise, utilisant l’HT plus de 12 heures dans le groupe traité et évaluant le devenir neurologique au moins à trois mois
Les raisons de l’échec de l’hypothermie thérapeutique
La raison principale des échecs des différentes études de haut grade sur l’HT repose sur la confusion entre l’utilisation de l’HT systématique précoce sans prendre en compte l’existence d’une HTIC et traitement ciblé de l’HTIC. L’absence d’évaluation de haut niveau méthodologique dans le cadre du traitement ciblé de l’HITC est sans doute liée aux difficultés pratiques pour mener une telle étude. Les études précédemment décrites ont utilisé l’HT systématique précoce, par extrapolation au TC
L’hypothermie thérapeutique en pratique
La réalisation d’une HT peut être divisée en trois phases : l’induction, le maintien et le réchauffement. Le développement des techniques de refroidissement automatisées a rendu la réalisation de ces phases plus aisée et il convient de respecter certaines règles pratiques pour une efficacité optimale.
Conclusion
La maîtrise des moyens de refroidissement est fondamentale en neuroréanimation pour contrôler la température des patients et éviter les épisodes d’hyperthermie centrale et cérébrale. L’utilisation de l’hypothermie thérapeutique est utile dans le traitement de l’HTIC comme traitement de deuxième ligne et ne doit pas être réalisée de manière systématique à tous les patients. La cible de température à atteindre est basée sur la réponse de la PIC avec des méthodes de refroidissement externe
Déclaration d’intérêts
Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.
Références (43)
- et al.
Inflammation et lésions cérébrales aiguës en réanimation
Ann Fr Anesth Reanim
(2008) - et al.
Hypothermie et hypertension intracrânienne
Ann Fr Anesth Reanim
(2009) - et al.
Hypothermia reduces calcium entry via the N-methyl-D-aspartate and ryanodine receptors in cultured hippocampal neurons
Eur J Pharmacol
(2013) - et al.
Role of therapeutic hypothermia in improving outcome after traumatic brain injury: a systematic review
Br J Anaesth
(2013) - et al.
Comparison of hypothermia and normothermia after severe traumatic brain injury in children (Cool Kids): a phase 3, randomised controlled trial
Lancet Neurol
(2013) - et al.
Very early hypothermia induction in patients with severe brain injury (the National Acute Brain Injury Study: Hypothermia II): a randomised trial
Lancet Neurol
(2011) - et al.
Les dangers de l’hypothermie thérapeutique
Ann Fr Anesth Reanim
(2009) - et al.
Lactacidosis-induced glial cell swelling depends on extracellular Ca2+
Neurosci Lett
(2006) - et al.
Effect of hypothermia on brain tissue oxygenation in patients with severe head injury
Br J Anaesth
(2002) - et al.
Beyond intracranial pressure: optimization of cerebral blood flow, oxygen and substrate delivery after traumatic brain injury
Ann Intensive Care
(2013)
A trial of intracranial pressure monitoring in traumatic brain injury
N Engl J Med
Guidelines for the management of severe traumatic brain injury. IX. Cerebral perfusion thresholds
J Neurotrauma
Guidelines for the management of severe traumatic brain injury. III. Prophylactic hypothermia
J Neurotrauma
Cold as a therapeutic agent
Acta Neurochir (Wien)
Effect of mild hypothermia on uncontrollable intracranial hypertension after severe head injury
J Neurosurg
The use of moderate therapeutic hypothermia for patients with severe head injuries: a preliminary report
J Neurosurg
Treatment of traumatic brain injury with moderate hypothermia
N Engl J Med
Lack of effect of induction of hypothermia after acute brain injury
N Engl J Med
Treatment of comatose survivors of out-of-hospital cardiac arrest with induced hypothermia
N Engl J Med
Mild therapeutic hypothermia to improve the neurologic outcome after cardiac arrest
N Engl J Med
Controlled normothermia in neurologic intensive care
Crit Care Med
Cited by (7)
Hypothermia after cardiac arrest
2016, Praticien en Anesthesie ReanimationAccidental hypothermia in severe trauma
2016, Anaesthesia Critical Care and Pain MedicineCitation Excerpt :Krause et al. reported an additive aspect of the negative effects of shock and hypothermia on the haemodynamic and haemostasis parameters in a porcine study. The decrease in cardiac output and the coagulopathy persist, even after the bleeding has stopped and volume expanders have been used in the hypothermic animals [18,23–25,38,39]. Wladis et al. have also confirmed the aggravation of the hypokinetic situation from haemorrhagic shock during hypothermia in an experimental study on pigs.
Treatment of post-traumatic intracranial hypertension: What is the impact on outcome?
2014, Annales Francaises d'Anesthesie et de ReanimationMonitoring intracranial pressure utilizing a novel pattern of brain multiparameters in the treatment of severe traumatic brain injury
2016, Neuropsychiatric Disease and TreatmentPathophysiology and clinical management of moderate and severe traumatic brain injury in the ICU
2015, Seminars in NeurologyEfficacy of mild hypothermia for the treatment of patients with cardiac arrest
2015, Chinese Medical Journal