Réunion de neuroanesthésie–réanimation
Trachéotomie et traumatisme crânien grave : pour qui ? Pourquoi ? Quand ? Comment ?Tracheotomy in brain injured patients: which patients? Why? When? How?

Travail présenté aux XXVIes journées de l'Association de neuroanesthésie–réanimation de langue française, Angers, 18–19 novembre 2004
https://doi.org/10.1016/j.annfar.2005.03.010Get rights and content

Résumé

L'objectif de ce travail est de définir à partir des données de la littérature les indications de la trachéotomie chez les patients traumatisés crâniens, l'incidence et les facteurs de risque des complications et les modalités du suivi jusqu'à la décanulation éventuelle. L'incidence de la trachéotomie est d'environ 10 % des patients traumatisés crâniens et 50 à 70 % de ceux dont le score de Glasgow initial (GCS) est inférieur à 9. Les complications précoces ne sont pas spécifiques. Les complications tardives sont dominées par les sténoses de la filière laryngotrachéale qui concernent environ 15 % des patients et sont plus fréquentes chez les patients les plus graves présentant des troubles du tonus associés. Il est probable que la trachéotomie, si elle est réalisée, doit l'être précocement, et le pronostic concernant la nécessité de ce geste peut être fait à la fin de la première semaine. La surveillance de ces patients associe ensuite le dépistage du portage de germes multirésistants et la réalisation systématique d'une fibroscopie avant la décanulation. Le choix des canules privilégie la suppression du ballonnet dès que la protection des voies aériennes n'est plus nécessaire et l'utilisation de canules souples de petit diamètre.

Abstract

The aim of this study is to determine, from the data available in the literature, the indications of tracheostomy in brain injured patients, the incidence and risk factors for complications and the follow-up required until decannulation. The incidence of tracheostomy is 10% in TBI and 50 to 70% in subpopulations with a Glasgow Coma Scale (GCS) below 9. Early complications are not specific. The most frequent late complication is laryngotracheal stenosis, which occurs in 15% and is more frequently observed in the most severe patients with major hypertonia. It is likely that tracheostomy, if needed, should be performed early and the prognosis as to whether it will be required, can be made at the end of the first week. The follow-up of these patients includes surveillance of multiresistant colonisations and systematic performance of fibroscopy before decannulation. Cuffless, small diameters, soft tracheostomy tubes, are preferred on the long-term unless the risk of aspiration remains high.

Introduction

Les patients, victimes de traumatismes crâniens (TC) graves, sont intubés et ventilés le plus souvent sur le lieu de l'accident dès les premières heures. Ils sont ensuite hospitalisés dans des unités de réanimation et ventilés durant des périodes de temps plus ou moins longues [1]. La question est donc posée de remplacer à un moment l'intubation naso- ou orotrachéale par une trachéotomie. À chaque instant la décision est liée à un pronostic sur la nécessité à venir de maintenir une ventilation assistée, une protection des voies aériennes des fausses routes, une voie d'aspiration des sécrétions bronchiques.

Certaines caractéristiques cliniques de ces patients (hypertonie, agitation) influent ensuite sur le développement de complications, en particulier de sténoses des voies aériennes [2]. Enfin certains de ces patients gardent durablement des états de conscience très altérés et posent le problème de la gestion au long cours, dans des conditions particulières, de leur trachéotomie.

À partir de la littérature nous proposons des éléments de réponse aux questions suivantes : quand faut-il proposer une trachéotomie à un patient traumatisé crânien ? Quelles sont les modalités de la surveillance et des soins locaux ?

Section snippets

Incidence de la trachéotomie dans la prise en charge des TC graves

L'incidence de la réalisation des trachéotomies est variable dans les séries de traumatisés crâniens publiées et dépend bien sûr avant tout du critère d'inclusion dans l'étude. Lorsqu'on considère des travaux incluant tous les patients intubés à la suite d'un traumatisme crânien, indépendamment de leur score de Glasgow (GCS), l'incidence de réalisation d'une trachéotomie est de l'ordre de 10 % [3]. Si le contexte de l'étude sélectionne des traumatismes crâniens dont le score de Glasgow initial

Quelles sont les modalités de la surveillance et des soins locaux ?

La prise en charge à moyen et long terme d'un TC trachéotomisé a plusieurs objectifs : prévenir et dépister les complications locales, notamment les sténoses de la filière laryngotrachéale, prévenir et dépister les surinfections et limiter la dissémination de bactéries multirésistantes, évaluer la possibilité d'une décanulation, assurer le meilleur confort possible.

Soins locaux, choix des canules, critères de décanulation (Fig. 1)

Le transfert dans une unité de MPR est habituellement conditionné à l'autonomie respiratoire. Le choix d'une canule avec ou sans ballonnet va donc dépendre de l'existence de fausses routes. Ces patients sont alimentés par gastrostomie, le maintien prolongé d'une sonde nasogastrique chez un patient en phase d'éveil étant habituellement inconfortable et impossible. Les possibilités de déglutition sont évaluées selon des protocoles précis, en utilisant des aliments de texture et de consistance

Conclusion

Les patients victimes de TC qui nécessiteront une trachéotomie représentent environ 10 % de l'ensemble des TC, mais une proportion beaucoup plus importante de ceux qui seront adressés à des services de rééducation neurologique. L'organisation cohérente de l'ensemble de la filière de soins est un objectif affiché par les autorités de tutelle [15]. L'amélioration de cet aspect spécifique de leur prise en charge repose sans doute sur :

  • la réalisation de trachéotomies plus précoces. L'indication

Références (15)

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    Laryngotracheal stenosis after intubation or tracheostomy in patients with neurological disease

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  • Prise en charge des traumatisés crâniens graves à la phase précoce. Recommandations pour la pratique clinique. Quelles sont les indications et les modalités de la ventilation mécanique ?

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  • Management of tracheostomized patients after poor grade subarachnoid hemorrhage: Disease related and pulmonary risk factors for failed and delayed decannulation

    2019, Clinical Neurology and Neurosurgery
    Citation Excerpt :

    Subarachnoid hemorrhage is a devastating disease, which is still associated with a high morbidity and mortality [1]. Especially patients with poor-grade (World Federation of Neurosurgical Societies [WFNS] grade III-V) spontaneous subarachnoid hemorrhage (sSAH) remain on the intensive care unit (ICU) for many weeks and often require prolonged mechanical ventilation [2,3]. The clinical benefit of tracheostomy in the acute ICU setting is well proven.

  • Tracheostomy in French ICUs and patient outcome: National opinion survey

    2014, Annales Francaises d'Anesthesie et de Reanimation
  • Tracheal inflammatory response to bacterial cellulose dressing after surgical scarification in rabbits

    2008, Brazilian Journal of Otorhinolaryngology
    Citation Excerpt :

    Tracheostomies are done in 10% of the patients with brain injury and in 50-70% of the patients in a coma rated below nine in the Glasgow score. The most frequent late complication of tracheostomy is laryngeal and tracheal stenosis, a condition that affects about 15% of the patients submitted to the procedure3. When congenital or acquired stenosis involves the subglottic region, surgical treatment is often required due to the relevant clinical repercussions that may set in as a result of the limitation and even cessation of the patient's ability to breathe and speak.

  • Timing of tracheostomy and outcome of patients requiring mechanical ventilation

    2007, Annales Francaises d'Anesthesie et de Reanimation
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