Revue générale
Prise en charge du don d’ovocytes : réglementation du don, la face cachée du tourisme procréatifEgg donation: Regulation of the donation and the hidden face of the cross-border reproductive care

https://doi.org/10.1016/j.gyobfe.2009.11.008Get rights and content

Résumé

Le don d’ovocytes est une activité qui n’est pas disponible en France à hauteur des demandes en raison du manque de donneuses, entraînant pour les couples infertiles de longs délais d’attente. Les couples sont ainsi poussés à recourir à un don d’ovocytes dans un pays étranger. Les conditions dans lesquelles sont réalisés ces dons peuvent poser des questions éthiques, tant pour les soins délivrés aux receveuses que pour le recrutement et la prise en charge des donneuses. Qualifié de « tourisme procréatif », l’ampleur de ce phénomène reste difficile à évaluer. Toutefois, un faisceau d’indices amène à penser qu’il va croissant, renforcé par les nouvelles directives visant à faciliter la libre circulation des personnes au sein de l’Union européenne pour des soins de santé transfrontaliers. Ce constat conduit à s’interroger sur les causes possibles du tourisme procréatif à la lumière des législations nationales, puis à dresser le bilan des conséquences éventuelles. Enfin, la réflexion amènera à suggérer des actions possibles tant au niveau national qu’international.

Abstract

In France egg donation is not sufficient to meet the needs of infertile couples. As a consequence there is a long waiting time for those couples who may be driven to search solutions abroad. Nonetheless in some countries practice of egg donation raises medical and ethical questions regarding the quality of care provided to the recipients as well as the recruitment and follow-up of egg donors. Meanwhile the scope of this type of “cross-border reproductive care” remains difficult to assess, even though this trend seems to be growing and is reinforced by a recent regulation facilitating the free movement of people seeking cross-border health care within the European Union. These observations lead to question the possible causes of “cross-border reproductive care” in the light of national laws, to identify potential consequences in order to suggest possible actions at both national and international level.

Section snippets

La problématique du don d’ovocytes, ici et ailleurs

Le don d’ovocytes est pratiqué en France depuis plus de 20 ans avec un véritable savoir-faire des praticiens. Cette activité entre naturellement dans le panel des traitements que l’on peut offrir aux couples infertiles. Toutefois, l’offre est insuffisante en France au regard de la demande, même lorsque celle-ci est limitée aux indications reconnues, définies et consensuelles des infertilités pathologiques.

Une enquête menée par l’Agence de la biomédecine (ABM) en 2006 avait montré que plus de

Le contexte législatif

Une grande hétérogénéité existe en Europe dans l’encadrement des activités de soins et plus particulièrement dans celui des activités d’Assistance médicale à la procréation (AMP) ou de don de gamètes. Les caractéristiques législatives de chaque pays font l’objet d’une étude comparative de l’encadrement juridique international publié dans le rapport d’application de la loi de bioéthique de l’ABM2. Très

Les pays d’accueil

Les destinations des couples sont choisies sur des critères variables en fonction des informations véhiculées par les forum Internet et les associations de patients. Le groupe « Cross-Border Reproductive Care » de l’ESHRE12 a mené une enquête auprès de six pays volontaires qui a permis d’évaluer à près de 25 000 le nombre de femmes se rendant chaque année dans un de ces pays pour y avoir recours à une

La répétition des dons

La répétition des dons jusqu’à trois fois dans l’année semble être une évidence pour ces femmes très jeunes qui en obtiennent un revenu régulier. Certaines cliniques russes n’hésitent pas à proposer des « anonymous professional egg donors » dans les programmes de don d’ovocytes, de procréation pour autrui ou « d’adoption d’embryons ». En l’absence de registres nationaux, elles peuvent renouveler leurs dons dans des centres différents au risque de leur santé. Là encore, sur cette question,

La publicité

Les cliniques des pays d’accueil utilisent souvent des techniques commerciales offensives, non autorisées en France dans le domaine de la santé. Certaines cliniques font leur publicité de façon très discutable :

  • en annonçant des chances de grossesse ne reposant pas sur des chiffres validés par les autorités compétentes concernées ;

  • en sollicitant directement les praticiens français à l’aide de propositions de collaboration, par courriels ou lettres, mettant toujours l’accent sur la simplicité de

Les motifs de recours à un centre étranger

Le groupe « Cross-Border Reproductive Care » de l’ESHRE a cherché à évaluer les différents motifs qui poussent les personnes à recourir à une AMP dans un pays étranger. L’analyse des 1230 questionnaires remplis par les patients-touristes pendant un mois dans 44 centres d’AMP répartis dans six pays (Belgique, République tchèque, Danemark, Slovénie, Espagne et Suisse) a permis de décrire les motifs de déplacement des patients à l’étranger. On peut regretter que seuls 4 % des centres espagnols

L’information des couples

D’autres éléments doivent faire l’objet d’une information particulière des personnes avant de se rendre dans un pays étranger pour une AMP. Par exemple :

  • les tests pratiqués sur les donneurs de gamètes pour la recherche de certaines affections virales ou génétiques, pas toujours systématiquement réalisés avant le don comme cela est fait en France ;

  • les recours parfois impossibles en cas d’événement indésirable survenant à la suite de l’AMP ;

  • la conservation et la confidentialité des données

Une réflexion internationale

Comme dans le domaine de la transplantation d’organes où, à l’initiative des professionnels et des sociétés savantes, la concertation a abouti à une déclaration commune lors du congrès d’Istanbul en mai 2008, une réflexion commune doit être menée par les professionnels des pays concernés sur les questions liées à la reproduction assistée et au don de gamètes. Les mécanismes qui conduisent à une exploitation basée sur les inégalités socio-économiques sont les mêmes, la pénurie d’ovocytes

Conclusion

Le nombre important de couples français se rendant à l’étranger en vue de bénéficier d’un don d’ovocytes est principalement dû à la pénurie de l’offre et à la longueur des délais d’attente observés dans les centres d’AMP en France. À l’échelle européenne, ce phénomène de tourisme procréatif est également lié à la grande hétérogénéité législative qui existe d’un pays à l’autre. L’interdiction du don en Allemagne et en Italie ou encore la levée de l’anonymat au Royaume-Uni poussent les patients

Conflit d’intérêt

Les auteurs n’ont pas transmis de conflit d’intérêt.

Références (2)

Cited by (19)

  • National survey on the opinions of French specialists in assisted reproductive technologies about social issues impacting the future revision of the French Bioethics laws

    2020, Journal of Gynecology Obstetrics and Human Reproduction
    Citation Excerpt :

    French legislation is presently based on the fundamental principle of free donation. The main consequence of this practice is a lack of donors, resulting in long waiting lists and cross-border care [2]. Donors in France, are only reimbursed for medical and transportation costs since January 2015.

  • Risk of perinatal complication and egg donation: Role of resorting to cross-border care?

    2016, Journal de Gynecologie Obstetrique et Biologie de la Reproduction
  • Are patients in the postpartum period potential egg donors?

    2014, Gynecologie Obstetrique et Fertilite
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Cet article a fait l’objet d’une communication dans le cadre des Quatorzièmes Journées nationales de la Fédération française d’étude de la reproduction (FFER), à Clermont-Ferrand, les 18–20 novembre 2009. Voir le numéro de novembre-décembre 2009 (37/11–12) de Gynécologie Obstétrique & Fertilité.

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